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PAUL

et il vous reste ce qu’après vous elle a le plus aimé, sa mere et la vôtre, que votre douleur inconsolable conduira au tombeau. Mettez votre bonheur à les aider, comme elle l’y avoit mis elle-même. Mon fils, la bienfaisance est le bonheur de la vertu ; il n’y en a point de plus assuré et de plus grand sur la terre. Les projets de plaisirs, de repos, de délices, d’abondance, de gloire, ne sont point faits pour l’homme foible, voyageur et passager. Voyez comme un pas vers la fortune nous a précipités tous d’abyme en abyme. Vous vous y êtes opposé, il est vrai ; mais qui n’eût pas cru que le voyage de Virginie devoit se terminer par son bonheur et par le vôtre ? Les invitations d’une parente riche et âgée, les conseils d’un sage gouverneur, les applaudissements d’une colonie, les exhortations et l’autorité d’un prêtre, ont décidé du malheur de Virginie. Ainsi nous courons à notre perte, trompés par la prudence même de ceux qui nous gouvernent. Il eût mieux valu sans doute ne pas les croire, ni se fier à la voix et aux espérances d’un monde trompeur. Mais enfin, de tant d’hommes que nous voyons si occupés dans ces plaines, de tant