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PAUL

amours qui n’auront plus de terme, par un hymen dont les flambeaux ne pourront plus s’éteindre. Là j’appaiserai tes regrets ; là j’essuierai tes larmes. Ô mon ami ! mon jeune époux ! éleve ton ame vers l’infini pour supporter des peines d’un moment. »

Ma propre émotion mit fin à mon discours. Pour Paul, me regardant fixement, il s’écria : « Elle n’est plus ! elle n’est plus » ! et une longue foiblesse succéda à ces douloureuses paroles. Ensuite, revenant à lui, il dit : « Puisque la mort est un bien, et que Virginie est heureuse, je veux aussi mourir pour me rejoindre à Virginie ». Ainsi mes motifs de consolation ne servirent qu’à nourrir son désespoir. J’étois comme un homme qui veut sauver son ami coulant à fond au milieu d’un fleuve sans vouloir nager. La douleur l’avoit submergé. Hélas ! les malheurs du premier âge préparent l’homme à entrer dans la vie, et Paul n’en avoit jamais éprouvé.

Je le ramenai à son habitation. J’y trouvai sa mere et madame de la Tour dans un état de langueur qui avoit encore augmenté. Marguerite étoit la plus abattue. Les caracteres vifs sur lesquels glissent les peines légeres sont ceux qui résistent le moins aux grands chagrins.