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En effet, tout objet aimable a sa vénusté, c’est-à-dire une portion de cette beauté ineffable qui engendre les amours. La plus touchante en est sans doute la sensibilité, cette ame de l’ame qui en anime toutes les facultés. Ce fut par elle que Vénus subjugua le dieu indomptable de la guerre.

Ce n’est pas que les femmes aient reçu du ciel plus de perfections que les hommes. Soumises par la nature même de leurs charmes aux influences de la déesse des graces, dont l’astre des nuits étoit autrefois le symbole, et en porte encore le nom chez les peuples sauvages, par la variété de ses phases, elles brillent dans le cours des mois d’une lumiere douce et paisible, mais inconstante et inégale. Cependant elles attirent à elles et dissipent les feux qui dévorent les cœurs ambitieux des hommes, semblables aux feux du soleil, qui embrasent l’horizon pendant le jour et ne s’éteignent que dans le sein des nuits. Ainsi les défauts d’un sexe et les excès de l’autre se compensent mutuellement ; et ces deux moitiés humaines en contraste, composent sur la terre une harmonie parfaite, semblable à celle des deux astres de la lumiere, conjugués dans les cieux.

Ô femmes, c’est par votre sensibilité que vous enchaînez les ambitions des hommes ! Par-tout où vous avez joui de vos droits naturels, vous avez aboli les éducations barbares, l’esclavage, les tortures, les mutilations, le pal, les croix, les roues, les bûchers, les lapidations, le hacher par morceaux, et tous