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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

que sait-on ? — l’obligeance d’un bibliophile, permette la mise au jour de cette œuvre, voici trois feuillets récemment découverts d’un recueil probablement antérieur. Ce sont les seules proses de cette époque de la vie de Rimbaud qui nous soient jusqu’ici parvenues. Par les éclairs qui les traversent, elles présagent les Illuminations.


LES DÉSERTS DE L’AMOUR
AVERTISSEMENT

Ces écritures-ci sont d’un jeune, tout jeune homme, dont la vie s’est développée n’importe où ; sans mère, sans pays, insoucieux de tout ce qu’on connaît, fuyant toute force morale, comme furent déjà plusieurs pitoyables jeunes hommes. Mais, lui, si ennuyé et si troublé, qu’il ne fit que s’amener à la mort comme à une pudeur terrible et fatale. N’ayant pas aimé de femmes, — quoique plein de sang ! — il eut son âme et son cœur, toute sa force, élevés en des erreurs étranges et tristes. Des rêves suivants — ses amours ! — qui lui vinrent dans ses lits ou dans les rues, et de leur suite et de leur fin, de douces considérations religieuses se dégagent peut-être. Se rappellera-t-on le sommeil continu des Mahométans légendaires, — braves pourtant et circoncis ! Mais, cette bizarre souffrance possédant une autorité inquiétante, il faut sincèrement désirer que cette Âme, égarée parmi nous tous, et qui veut la mort,