Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forêts et parmi les rochers, à grandes enjambées il allait, sans paraître s’intéresser à rien de réel. Ses regards d’extase, doux et terribles à la fois, bleus de ciel et bleus d’acier, fixés sur l’Infini en même temps que fondus dans les flammes de sa pensée crépitante de forces destructrices et débordante de puissance créatrice, fascinaient les êtres se plaçant sous leur rayonnement et qui, éloignés, gardaient de ce contact lumineux une crainte sacrée.

À la maison, sa mère, si énergiquement active et qui savait son fils tel, lui faisait quelquefois, non sans une appréhension, reproche au sujet de son apparente oisiveté. Il répondait, d’une voix de volonté sanglotante, qu’il travaillait beaucoup, au contraire, et que son travail, encore que travail de pensée, était des plus exténuants.

— Mais cela ne mène pratiquement à rien, faisait observer Madame Rimbaud.

— Tant pis répondait-il j’écris : il le faut !

Et, en effet, la nuit, dans sa chambre, il « brassait son sang » noter en prose ses illuminations : Enfance, Ornières, etc. ; à composer ses poèmes en vers libres, ses chansons : Larme, la Rivière de Cassis, Bonne Pensée du Matin, Patience, Jeune Ménage, Michel et Christine, Mémoire, Entends comme brame, Comédie de la