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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin Ces millions de gens qui n’ont pas besoin de se connaître amènent si pareillement l’éducation, le métier et la vieillesse, que ce cours de vie doit être plusieurs fois moins long que ce qu’une statistique folle trouve pour les peuples du Continent. Aussi comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l’épaisse et éternelle fumée de charbon — notre ombre des bois, notre nuit d’été ! — des Erynnies nouvelles, devant mon cottage qui est ma patrie et tout mon cœur — puisque tout ici ressemble à ceci — la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, un Amour désespéré et un joli Crime piaulent dans la boue de la rue.


Il va bientôt parler l’anglais « mieux que les Anglais eux-mêmes », et nous le verrons, à la fin de sa trop courte vie, user préférablement de cette langue, choisir, quand il éprouvera le besoin de se distraire par la lecture, les ouvrages d’idiome britannique. Ce ne peut donc être l’Angleterre qui causait à Rimbaud cette douloureuse lassitude de soi, ce volupteux dégoût d’un art en lequel il avait conscience d’œuvrer mieux que quiconque, parce qu’il était « mille fois le plus riche » en pensée et en imagination.

On ne saurait, non plus, attribuer cet état psychique au manque absolu de ressources pécuniaires et d’espoirs sous ce rapport. Il était