Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/228

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sœurs l’appellent-elles ? Il refuse de manger. Et, si on le questionne sur sa santé en lui offrant des soins, il répond, d’une voix lointaine et bourrue, qu’il ne souffre pas, qu’il n’a besoin dp rien, et prie qu’on le laisse en paix et qu’on ne s’alarme point. Mais, le matin, les bougies consumées attestent qu’il a veillé toute la nuit.

Les jours qu’il est debout, il ne se plaint non plus. Pourtant, il mange peu et comme avec dégoût. Au toucher de ses mains, devenues sèches et pâles, on constate qu’il a la fièvre. Lui montre-t-on de l’inquiétude à ce sujet ? Comme agacé, il répond à peine. Et, méditatif et sombre, image vivante, à dix-huit ans ! de la plus poignante, de la plus irrémédiable désolation, il s’en va errer par la ville et par la campagne.

Tous ces symptômes, soit comme cause, soit comme effet, correspondraient-ils à l’amertume marquée dans les derniers poèmes en prose ? Rimbaud, lui, croit que cet état morbide fut occasionné surtout par le surmenage intellectuel, puisque, dans Une Saison en Enfer, après avoir décrit les efforts mentaux dont sont résultées les Illuminations, il ajoute :


Ma santé fut menacée. La terreur venait. Je tombais dans des sommeils de plusieurs jours, et, levé,