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CLÉOPÂTRE

tage ; ce n’était pas là, comme dans la vallée silencieuse du Nil, le laboratoire mystérieux où se faisait l’éclosion des germes sous la chaude lumière d’Osiris, mais l’immensité stérile, au bout de laquelle il semblait qu’on ne retrouverait la nature en sève nulle part ni jamais.

Grâce aux précautions prises au départ, les envoyés de Cléopâtre n’avaient pas trop souffert ; sans ménagement on avait bu l’eau des outres et abreuvé les montures ; on savait, d’ailleurs, que d’abondantes provisions restaient encore sur le dos des ânes de charge.

Cependant, la traversée du désert remplissait les hommes d’une mélancolie vague ; ignorant pour quelle cause ils étaient en route, ils sentaient leur tristesse grandir à mesure qu’ils s’enfonçaient dans cette solitude dont on n’entrevoyait pas l’issue. Mais Taïa, aux heures d’implacable abattement, ranimait les courages ; elle faisait monter sur son éléphant les deux jeunes Grecques de Salamine, et leur commandait de chanter de vieux airs égyptiens, qu’elle accompagnait elle-même avec la cithare ; pris par la magie du rythme, les soldats pressaient leurs chevaux autour des chanteuses et la cara-