Page:Bertrand, Gaspard de la nuit, 1920.djvu/12

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mondes jusqu’à la vierge adorée, pour m’asseoir enfin près d’elle sous les regards de Dieu !...

— Et l’art, lui demandai-je ?

— Ce qui dans l’art est sentiment était ma douloureuse conquête. J’avais aimé, j’avais prié. Gott — Liebe, Dieu et Amour ! — Mais ce qui dans l’art est idée leurrait encore ma curiosité. Je crus que je trouverais le complément de l’art dans la nature. J’étudiai donc la nature.

« Je sortais le matin de ma demeure et je n’y rentrais que le soir. Tantôt, accoudé sur le parapet d’un bastion en ruines, j’aimais, pendant de longues heures, à respirer le parfum sauvage et pénétrant du violier qui mouchète de ses bouquets d’or la robe de lierre de la féodale et caduque cité de Louis XI [3] ; à voir s’accidenter le paysage tranquille d’un coup de vent, d’un rayon de soleil, ou d’une ondée de pluie, le bec-figue et les oisillons des haies se jouer dans


3. ↑ Ce château, imposé à Dijon par la tyrannique défiance de Louis XI, lorsqu’après la mort de Charles-le-Téméraire il s’empara du duché au détriment de l’héritière légitime Marie de Bourgogne, a plus d’une fois tiré contre la ville, qui, il est vrai, lui a bien rendu ses gracieusetés. Aujourd’hui, ses tours chenues servent de retraite à une compagnie de gendarmes.