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L’APPEL DU SOL

tiraient sans arrêt et régulièrement. Ce devait être un grand combat d’artillerie. Sur la chaussée, les échelons se succédaient sans intervalle. On dépensait les munitions avec une folle prodigalité.

Pendant toute la nuit, les chasseurs avaient cheminé dans le bois, par des layons où l’on enfonçait jusqu’aux chevilles : il ne fallait pas encombrer les routes réservées au passage des trains, des ambulances, des voitures allant au feu ou en revenant. À présent, on s’était arrêté. Les hommes, assis sur la terre mouillée, regardaient le jour nouveau découper les arbres, les animer de sa lumière grise. Ils étaient fatigués. Certains mangeaient leur pain, ou bien s’endormaient, appuyés épaule contre épaule, dos contre dos, comme des enfants.

Fabre et Vaissette firent quelques pas en avant, s’écartant du chemin. Les arbrisseaux du taillis leur cinglaient la figure et la mouillaient. Le terrain s’affaissait brusquement ; un ravin de plus en plus profond creusait le sol. Il y avait là de plus vieux arbres, des chênes centenaires, des troncs étendus sur la terre par une coupe de bois entreprise quelques semaines