Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/112

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« Merci, frère ! » dit-il.

Penchés l’un vers l’autre, l’héritier des rois numides et l’humble mineur de Sigus se donnèrent le pacifique baiser des temps nouveaux.


Le lendemain, vers la troisième heure, le contremaître revint chercher Cécilius pour descendre dans la mine. Il avait apporté tout un accoutrement spécial à l’intention du visiteur : des brodequins à semelles de bois ferrées, des braies gauloises, une tunique de toile grossière, un chapeau de cuir, semblable au sien, et dont la coiffe était bourrée d’étoupes afin d’amortir les chocs du front contre les parois trop basses.

Comme les deux hommes sortaient de la maison des hôtes, un soldat du poste surgit brusquement devant Cécilius un peu empêtré de son déguisement. C’était Victor, le légionnaire, qui avait escorté Cyprien dans la forêt de Thagaste. L’écuyer lui avait appris que son maître, récemment arrivé à Sigus, était un ami de l’évêque. Toujours familier et un peu vain, le jeune cavalier avait aussitôt désiré voir ce haut personnage, sous prétexte de fraternité chrétienne, mais en réalité pour se faire valoir aux yeux de ses camarades. Intrépidement, il s’avança et pria Cécilius, quelque peu déconcerté par cette assurance, de transmettre ses salutations au prélat. Il ajouta avec désinvolture :

« Et dis-lui que je suis las de ce métier maudit ! Les chefs deviennent insupportables, la discipline toujours plus barbare… »

Puis, d’un ton où il y avait de la fanfaronnade juvénile avec l’enthousiasme d’une âme toute vibrante de foi :

« Bientôt peut-être j’entrerai dans une autre milice… sous les enseignes d’un autre Empereur ! »

Heureusement que Théodore, le procurateur, n’entendit point ce propos, dont le sens pouvait paraître séditieux. Plus obséquieux et empressé que jamais, il était