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PRÉFACE.


Dans un état où les places ne sont plus le partage d’un petit nombre de privilégiés, mais où chaque homme voit s’ouvrir devant lui la carrière des emplois, et par conséquent peut être appelé à élever la voix dans les tribunaux, dans les assemblées politiques ou dans les temples, c’est un devoir pour tous les citoyens de connaître leur propre langue et de savoir la parler et l’écrire correctement.

Mais où puiser cet art de parler et d’écrire ? Faut-il sur ce point consulter les grammairiens ? De ces gens-là que Dieu vous garde ! répondait un jour Buffon à madame de Genlis. L’art d’écrire n’est pas plus dans leurs livres que la beauté des fleurs dans les herbiers. Herbiers et grammaires sont également incapables de présenter une phrase et une fleur dans leurs formes gracieuses, avec leurs suaves couleurs, leurs mouvements et leur vie ; fleurs et phrases y sont mortes : on n’en trouve que la poussière et les noms. Aussi, qu’il avait bien raison le critique qui, dans son indignation, s’écriait : « Soumettez au grammairien la plus belle strophe : son œil, soyez-en sûr, n’y cherchera ni la pensée, ni les sentiments, ni l’art de l’écrivain ; non, mais il tuera cette phrase si brillante, il la déchirera pour y trouver des virgules et des points, des accents et des apostrophes, des nasales et des sifflantes, des gérondifs et des supins, et puis, tout fier de ses découvertes, vous le verrez écrire, dans le style le plus inintelligible, des classifications, des règles et des préceptes, prononcer entre les écrivains comme un juge en dernier ressort, et préconiser avec orgueil sa méthode grammaticale[1].  »

C’est une vérité maintenant incontestable, que la véritable grammaire est dans

  1. M. Deshoulières.