Page:Bethléem - Romans à lire et romans à proscrire, 7e éd.djvu/151

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La scène est d’une correction parfaite ; ce sont des salons high life, des chambres à coucher, des boudoirs, dont Bourget décrit le mobilier, l’ameublement et les parfums, avec une scrupuleuse exactitude.

Les héros et héroïnes sont des élégances suprêmes, dans une suprême faiblesse : des jeunes gens pâles, minces, flirteurs, oisifs, incapables de tout effort et prêts à toutes les tendresses ; de beaux messieurs et de belles madames n’ayant rien à faire de leurs dix doigts ; des jeunes femmes surtout, grandes, fines, blondes, sentimentales et sensuelles, toujours aimantes et aimées en dehors du mariage, assoiffées de sentiments et de mysticisme, tout imprégnées de cette atmosphère luxueuse où les sensations douces affadissent la volonté et préparent aux grandes chutes.

Tous ces personnages sont avant tout des âmes, mais des âmes modernes, c’est-à-dire malades : Paul Bourget se complaît à décrire leurs raffinements de sensibilité déviée, leurs fautes, leurs scrupules, leurs remords, leurs repentirs et même leurs expiations, en un mot tous leurs cas psychologiques et leurs maladies intérieures ; il excelle particulièrement à raconter les drames d’amour dont elles sont le théâtre ou les victimes.

La fréquentation de tels milieux et de telles gens doit être éminemment dangereuse… M. Bourget, dit un critique universitaire, a toujours affiché des ambitions de moraliste. Alors, on ne peut s’empêcher de relever un contraste ironique entre ses professions de foi et l’effet de ses romans. Dans les préfaces, idées du devoir, culte de la volonté, de l’effort. Dans les romans, dilettantisme ou vaine religiosité, découragement, anémie de la volonté, séduction du vice. (Revue bleue, 28 mars 1906).

Certes, les intentions de l’auteur sont excellentes ; il ne prétend décrire les désordres de l’âme que pour les