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Page:Bibaud - Histoire du Canada sous la domination française, Vol 1, 1837.djvu/114

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quoi vivre, le casuel se réduisant à presque rien, dans une colonie si pauvre et si peu peuplée. D’après un recensement fait en 1679, la population française du Canada ne se composait que de 8515 individus.

Pour revenir à l’ordonnance dont nous venons de parler, elle ne mit pas entièrement fin à la discorde : M. de Frontenac exila, de sa propre autorité, le procureur-général et deux des conseillers.

Le principal sujet de démêlé entre le gouverneur et l’évêque était la traite de l’eau-de-vie : M. de Laval et les missionnaires se plaignaient que ce commerce causait des désordres scandaleux parmi les Sauvages, et sévissaient, autant qu’il était en leur pouvoir, contre ceux qui le faisaient. M. de Frontenac, et ceux qui pensaient comme lui, soutenaient que la traite de l’eau de vie était absolument nécessaire pour attacher les naturels du pays aux Français ; que les abus dont les ecclésiastiques faisaient tant de bruit, s’ils n’étaient pas imaginaires, étaient du moins fort exagérés, et que leur zèle sur cet article n’était guère qu’un prétexte pour persécuter ceux qui les empêchaient de dominer dans le pays.

Les opinions furent quelque temps partagées sur ce sujet, à la cour et au conseil du roi : M. Duchesneau ayant écrit à M. Colbert, pour appuyer le sentiment du prélat, qui avait fait un cas réservé de la traite de l’eau de vie, le ministre lui répondit qu’il n’agissait pas en cela comme devait faire un intendant ; qu’il devait savoir qu’avant d’interdire aux habitans du Canada un commerce de cette nature, il fallait s’assurer de la réalité des crimes auxquels on prétendait qu’il donnait lieu. En effet, par un arrêt du conseil du 12 mai 1678,