Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/164

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relais de distance en distance; ils arrêtèrent les courriers de la poste qui se rendaient en Hollande ou qui en venaient, saisirent les paquets dont ceux-ci étaient porteurs, et firent déposer les lettres qui y étaient contenues au bureau des messagers. Le conseil de Brabant ayant condamné ces usurpations des doyens sur les droits des postes royales et leur ayant fait défense d’y donner suite (2 décembre 1658), ils s’opposèrent, par des voies de fait, à sa sentence, lorsqu’on voulut l’exécuter. Le conseil alors décréta d’ajournement personnel les doyens des trois chefs-métiers principaux et les deux messagers de la ville; tous cinq furent condamnés au bannissement, avec confiscation de leurs biens; trois autres personnes furent punies des mêmes peines (25 août 1659). Le jour où ces décrets de condamnation furent publiés, la multitude envahit la maison de ville et exigea que la publication en fût révoquée; elle maltraita le premier bourgmestre; elle accabla de coups le receveur communal; elle outragea plusieurs des membres du collége des échevins; elle ne s’en tint pas là, mais elle alla saccager la maison du bourgmestre (30 septembre). Quelques jours après, elle s’ameuta de nouveau et pilla deux maisons dont la rumeur publique désignait les propriétaires comme étant d’opinion qu’il fallait se soumettre aux arrêts du tribunal souverain de la province. Sur les représentations du conseil de Brabant et de l’avis du conseil d’État, des ministres et des généraux, le marquis de Caracena se détermina à employer la force pour faire respecter les décisions de l’autorité judiciaire. Le 17 octobre 1659, il s’approcha d’Anvers avec une partie de l’armée qui avait fait la campagne de l’année précédente, après avoir rendu public un manifeste où il déclarait qu’il ne se servait des troupes pour faire aucun acte d’hostilité contre les habitants ni exercer la moindre contrainte au préjudice de leurs priviléges; il était accompagné du duc d’Yorck, du duc de Glocester et du prince de Condé. Lorsqu’il se présenta devant la ville, les portes lui en furent ouvertes sans résistance; à peine était-il entré dans le château que le magistrat, au nom de la population tout entière, vint faire auprès de lui acte de soumission et d’obéissance; les doyens, à leur tour, lui demandèrent pardon des fautes qu’ils avaient commises, en l’assurant qu’ils étaient prêts à « révérer absolument » les sentences du 2 décembre 1658 et du 25 août 1659. Sur ces assurances, Caracena, le 23 octobre, signa une amnistie dont furent exceptés seulement les instigateurs de la sédition et les pillards; plus tard, six de ceux-ci ayant été condamnés par le conseil de Brabant et par l’auditeur de l’amirauté d’Anvers à être pendus, il fit grâce de la vie à trois d’entre eux. Les troupes qui étaient autour d’Anvers retournèrent dans leurs cantonnements le 26 et le 27 octobre. Cette affaire avait causé de grandes préoccupations à la cour de Madrid : Philippe IV, quand il sut comment elle s’était terminée, en témoigna sa satisfaction et sa gratitude au marquis de Caracena.

Une affaire d’une toute autre nature occupa dans le même temps le gouverneur des Pays-Bas. En 1654, une requête avait été présentée à Philippe IV, au nom d’un assez grand nombre d’habitants de ces provinces et du comté de Bourgogne, où l’on demandait que non-seulement les deux pays, mais encore les armées qui s’y trouvaient, fussent placés sous la protection de la vierge Marie et sous l’invocation de son immaculée Conception. Les évêques et le conseil privé furent entendus sur cette requête : entre les premiers, quelques-uns ne pensèrent pas qu’il convint d’y donner suite; mais la majorité fut d’un sentiment contraire, se fondant sur ce que l’invocation à la Conception de la Vierge était établie en Espagne et dans les États héréditaires de l’Empereur. L’archiduc Léopold et, après lui, don Juan d’Autriche appuyèrent à Madrid l’opinion de la majorité du corps épiscopal[1]. La cour d’Espagne, tant que la guerre avec la France et l’Angleterre dura, ne jugea pas à propos que quelque nouveauté se fît en cette matière[2];

  1. Lettres de l’archiduc du 13 mars 1656 et de don Juan du 23 avril 1657.
  2. Lettre du Roi à don Juan, du 18 mars 1658.