Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/167

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dis que lui-même entreprendrait une expédition par terre contre les Germains. L’empereur n’eut pas à se louer de son choix ; la cupidité de l’amiral de la flotte impériale n’était pas moins ardente que celle des pirates dont il avait mission de délivrer l’Océan. Les flottes franques et saxonnes vinrent comme auparavant infester les côtes sans être inquiétées ; ce n’était qu’au retour qu’elles rencontraient sur leur passage l’escadre romaine, qui les attaquait, leur reprenait les dépouilles enlevées aux provinciaux et leur faisait quelques prisonniers. De tout ce butin une minime partie seulement était ou rendue à ses propriétaires légitimes ou remise à l’administration du fisc impérial ; l’amiral gardait le reste. Cette circonstance donna à réfléchir : on le soupçonna de laisser à dessein passer librement les pirates, afin de pouvoir s’enrichir de leurs rapines. L’empereur, irrité des manœuvres criminelles du commandant de sa flotte, ordonna de le faire mourir. Carause, averti du sort qui l’attendait, conçut, s’il ne le méditait pas déjà auparavant, le hardi projet de se rendre indépendant.

Sûr des marins et des soldats sous son commandement, auxquels il avait peut-être abandonné une part dans le butin enlevé aux pirates, il partit avec toute sa flotte pour l’île de Bretagne, où ses largesses gagnèrent à sa cause la légion romaine et les autres troupes qui y stationnaient. Les Bretons le reçurent en libérateur, ou lui-même s’annonça à eux comme tel, car plusieurs de ses médailles rappellent son anivée dans l’île et le revers de l’une d’elles montre la Bretagne personnifiée lui tendant la main avec la légende : EXPECTATE VENI.

L’ambitieux Ménapien n’eut rien de plus pressé que d’échanger son habit d’officier de marine contre la pourpre impériale et de se faire proclamer empereur. Il prit le titre d’Auguste et autres que portaient les empereurs romains et alla même jusqu’à se donner les noms de Marcus Aurelius Valerius, qui étaient ceux de Maximien, comme s’il eût voulu, par cette apparence trompeuse, faire croire à une adoption et légitimer son usurpation. La riche et fertile province de Bretagne fut ainsi détachée de l’empire romain pour former un empire particulier. Il n’est guère douteux que l’administration romaine ait été maintenue ; on peut même croire que Carause s’entoura d’un simulacre de cour. Nous ne savons pas si le nouveau souverain fixa sa résidence à York (Eboracum), où plusieurs empereurs romains s’étaient tenus avant lui, ou à Londres (Londinium), qui était déjà alors une place de commerce importante. Il trouva dans cette dernière ville un atelier monétaire, auquel il imprima une grande activité. On a déterré en Angleterre de nombreuses suites de médailles, en or, en argent et en bronze, frappées sous son règne et à son effigie. Leurs types se retrouvent généralement sur les médailles de Dioclétien, de Maximien et de leurs prédécesseurs.

Maximien, à qui il ne restait plus un seul vaisseau, dut remettre à plus tard la vengeance qu’il voulait tirer de la trahison et de la révolte de Carause. Il ordonna la construction d’autres vaisseaux dans les chantiers situés sur diverses rivières et dès l’année suivante il put les rassembler et tenir la mer. Son adversaire, de son côté, n’avait rien négligé pour se mettre sur un pied respectable de défense. De nouveaux vaisseaux, construits sur le modèle de ceux des Romains, avaient reçu des équipages, choisis dans la marine marchande gauloise, et des troupes barbares mercenaires, et tous avaient été convenablement exercés. La flotte romaine, montée par des matelots novices, fut hors d’état de résister à la flotte bretonne ; le courage des soldats qu’elle portait ne servit à rien ; elle fut en partie dispersée, en partie prise ou coulée.

Après cet échec, Maximien renonça momentanément à toute entreprise pour reconquérir l’île de Bretagne. Pendant les quelques années où les Romains le laissèrent en repos, Carause eut à repousser, comme ceux-ci avant lui, les invasions des Calédoniens et il s’efforça de se ménager des alliés parmi les Franks. Le grand nombre de médailles, où il est question de paix et de victoire, n’ont pas