Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/173

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digue; il raconte que le maître ayant reconnu le génie de son élève, eut soin de n’employer ce dernier qu’à broyer ses couleurs; mais que Carlier sentant ce qu’il pouvait, peignit en secret un Martyre de saint Denis pour la voûte de l’église de ce nom à Liége. Flémalle, en voyant cette œuvre très-réussie, en conçut tant de dépit qu’il abandonna ses pinceaux. Il est à peine inutile d’ajouter que ce récit ne repose sur aucun fait connu. La seule chose exacte, c’est que Carlier peignit le Martyre de saint Denis; c’était une grande composition, enchâssée dans la voûte de l’église et montée sur une forte charpente en bois. Le mérite de ce travail fut assez transcendant pour attirer, en 1794, l’attention des agents du gouvernement français en tournée d’enlèvements de chefs-d’œuvre. Sans songer au danger de l’opération, ils firent détacher le tableau de la voûte; mais il échappa aux mains des ouvriers et tomba sur les dalles de l’église; il fut mis dans un état pitoyable et abandonné par les ravisseurs. Plus tard on le restaura et on le replaça dans la même église.

Carlier ne résida pas longtemps à Paris : en 1675, il était de retour dans sa ville natale, sans qu’on sache depuis quelle année. Il était sans doute destiné à y acquérir une réputation aussi grande que méritée, lorsqu’un événement tragique vint terminer son existence. Il peignait la famille du commandant de la citadelle de Liége, quand celui-ci, nommé Beckers, reçut ordre d’y introduire les Français. Ce qui, en effet, eut lieu dans la nuit du 27 an 28 mars 1675. Le commandant parvint à sortir de la citadelle, accompagné des siens, de Carlier et de ses gens; mais arrivé sur le marché, où campaient les troupes liégeoises, il répondit : « France » au « Qui vive ! » qu’on lui cria. Des coups de feu partirent; l’artiste effrayé perdit la tête; il se mit à fuir et parvint à se réfugier dans le couvent des Carmes où l’on mit tout en œuvre pour le calmer. Mais le saisissement, le trouble, l’effroi de cette nuit funeste avaient été trop grands pour l’âme paisible du pauvre peintre. Quelques jours après il mourut dans l’asile où il avait été recueilli. Outre le Saint Denis dont il a été question, on voit encore de Carlier, à Liége, une Femme adultère. Le Musée de Bruxelles renferme de lui l’esquisse de son Saint Denis. D’après Becdelièvre, la plupart de ses productions se trouvent à Dusseldorf et à Saint-Pétersbourg, nous ignorons par suite de quelles circonstances. Nous l’avons dit, Carlier excellait dans les draperies; en outre il dessinait corectement; son coloris était remarquablement vigoureux et il avait une bonne entente du clair-obscur. Sans nul doute, si une mort prématurée n’était venue le surprendre, Jean-Guillaume Carlier fût devenu un des meilleurs artistes de son époque.

Ad. Siret.

CARLOMAN, roi d’Austrasie. VIIIe siècle. — En revenant de Tours, où il était allé demander avec peu de succès, au tombeau de saint Martin, à être guéri de l’hydropisie dont il souffrait depuis longtemps, le roi Pepin le Bref mourut à Saint-Denis, en 768, selon les uns, le 23 (Annal. Pefav.; Marian Scot. Chron., apud Bouquet, tome V, p. 368), selon d’autres, le 24 (Einh. Ann.), selon d’autres encore, le 25 septembre (Annal. Tilian.). S’il faut en croire le témoignage d’Eginbard, immédiatement après la mort de Pépin, les principaux leudes se réunirent en assemblée solennelle et reconnurent rois ses deux fils Charles et Carloman, à condition qu’ils partageraient équitablement entre eux les États de leur père, mais de telle manière que Charles, étant l’aîné, obtînt toutes les provinces que son père avait possédées en vertu du partage opéré par Charles Martel, et que Carloman fut mis en possession de tout ce que son oncle Carloman avait eu dans son lot. (Vita Karol. Magn. cap. iii. Cf. Einhard. Annal. ad ann. 768). Cette indication est d’accord avec celle que nous fournissent la Chronique de Verdun (ap. Bouquet, tome V, p. 372) et Adrevald (Mirac. S. Benedict in Gall., cap. xviii, ap. Mabillon, Act. SS. Ord. S.Benedict. Sæc. II, p. 375). Mais d’autres autorités (Annal. Mettens. ad ann. 768) et Fredegar. Soholastic. Chron. Contin. P. IV, cap. 86), nous font connaître que Pepin, étant revenu de Tours et sentant que sa mort était prochaine,