Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/182

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vie courut les plus grands dangers. L’empereur ordonna non-seulement de démolir les constructions faites, mais défendit toute manifestation religieuse chrétienne. Lorsque Caron reçut cet ordre, il répondit simplement que tout ce qu’il plairait à S. M. de commander serait fidèlement exécute. On était loin de s’attendre à cette réponse, car vingt Japonais étaient postés, en cas de résistance, pour exterminer Caron et jeter dans les fers ses subordonnés.

L’année suivante, Caron fit partie de l’ambassade envoyée à Jedo vers l’empereur. En 1641, on le trouve comme membre extraordinaire du Conseil des Indes hollandaises; l’année suivante il en fut nommé membre ordinaire. En 1643, il partit vers Ceylan, en qualité de commandant de l’armée, se rendit maître du fort Negombo et sut s’y maintenir. L’année suivante, il devint gouverneur de Tayouan ou Formose et fut appelé, lors de son retour à Batavia, aux fonctions de directeur général du commerce. Dans cette position il acquit une haute réputation d’expérience et de savoir. Il brigua, en 1650, le premier poste à Batavia; il croyait avoir, par suite de ses services, des titres incontestables à l’obtenir; il échoua cependant et se croyant méconnu, il résolut de quitter la compagnie néerlandaise, de renoncer à toutes ses fonctions et de revenir en Europe, Colbert, qui s’efforçait d’ouvrir à la France le commerce des Indes, ne laissa pas échapper une si belle occasion : il s’empressa de faire les offres les plus brillantes à Caron. Celui-ci fut sensible aux éloges du ministre tout puissant et se laissa séduire. En 1666 il reçut des lettres patentes qui le nommaient directeur général de la compagnie française des Indes orientales, à Madagascar; on lui associa quatre autres Hollandais, sous le titre de marchands; mais on lui adjoignit aussi le sieur Lafaye et quatre Français, sous les mêmes titres, avec la condition que les Français, dans leurs grades, auraient le pas sur les étrangers. De là des rivalités qui engendrèrent des suites fâcheuses. En arrivant à Madagascar, il y trouva les comptoirs dans un état déplorable et eût à lutter contre des difficultés sans nombre; la colonie était sans cesse en butte aux attaques des naturels. Il jugea convenable, en 1667, de se rendre à Surate qui lui parut un centre plus favorable. Le nouvel établissement devint prospère sous son habile direction; les expéditions furent lucratives, ce qui lui valut les éloges du gouvernement français. Louis XIV, pour le récompenser, lui conféra, en 1671, l’ordre de Saint-Michel, faveur d’autant plus grande que Caron appartenait à la religion protestante; on mit même à sa disposition une flotte commandée par l’amiral Delahaye. Ayant voulu fonder deux nouveaux établissements, qui échouèrent par suite de maladies et d’autres obstacles, cette circonstance fut habilement exploitée par les Français, jaloux de son crédit, et par les inimitiés que son caractère altier, impérieux lui avait suscitées; on lui reprochait, en outre, une grande avarice. Ses ennemis réussirent si bien dans leurs attaques qu’ils parvinrent, en 1674, à obtenir son rappel en France. On eut soin de déguiser cette disgrâce sous le prétexte qu’on désirait le consister au sujet de nouvelles entreprises. Peut-être désirait-on l’entendre avant de le condamner. N’ayant aucune méfiance, il obéit sur le champ, s’embarqua, fit voile pour Marseille et déjà il avait dépassé le détroit de Gilbraltar quand un navire, commandé par un de ses amis, l’accosta; il apprit alors qu’on était indisposé contre lui et que son rappel était motivé par une demande de reddition de comptes. Aussitôt il mit le cap sur Lisbonne; son navire y était déjà mouillé et avait reçu une visite de la part de Saint-Romain, ambassadeur de France auprès de la cour de Portugal, lorsque le vaisseau toucha sur un rocher et s’y perdit corps et biens. Caron fut englouti avec les richesses immenses qu’il rapportait de l’Inde. Un de ses fils, qui était avec lui, parvint à se sauver. Il a publié : Beschryving van het machtigh koningryk Japan, gesteld door Françoys Caron, directeur des compagnies negotie aldaar. Amsterdam, 1650, in-4o avec planches. Cet ouvrage a été traduit en français par Thevenot et inséré dans le quatrième volume du Recueil des voyages.