Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/187

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nistres ou officiers du roi des Romains, jusqu’au nombre de dix personnes ; elles leur furent livrées et ils les firent conduire à Gand, où on les enferma au ’Sgravensteen. Maximilien, pour recouvrer sa liberté, fut obligé de signer, le 16 mai 1488, le traité que les Flamands lui imposèrent. Sur ces entrefaites, l’empereur Frédéric III, informé de la captivité de son fils, était accouru d’Allemagne aux Pays-Bas avec plusieurs princes de l’Empire et une armée forte de 7,000 à 8,000 hommes. Arrivé près de Gand, il somma les échevins de lui remettre les prisonniers qui avaient été amenés de Bruges. Le bruit de cette sommation s’étant répandu dans la ville, le doyen des cordonniers, que Molinet nomme Remieul, se porta au ’Sgravensteen, accompagné de prêtres, de bourreaux et de quelques forcenés, dans l’intention de mettre à mort les prisonniers et d’envoyer leurs têtes à l’Empereur ; l’apparition soudaine de Philippe de Clèves et les objurgations énergiques qu’il adressa au doyen et à ceux qui l’accompagnaient, empêchèrent heureusement l’exécution d’un aussi abominable dessein. Dans cette périlleuse conjoncture, Marguerite de Chassey, femme du chancelier, fit preuve de la tendresse qu’elle avait pour son mari : « Madame la chancelière, dit Molinet, ne cessoit de courre, diligenter et intercéder de l’ung à l’autre, et de faict rencontra sur les rues messire Adrien de Rasseghem et Coppenolle ; et icelle, postposant toute grainte de noblesse, suppliante pour le salut de son mary, qui lors luy touchoit plus que nulles biens, se rua devant eulx en genoux en la boue et fange, comme feroit une povre simple femme devant les plus grans princes du monde (ch. clxxxv). »

Charles VIII, qui avait soutenu les Flamands dans leur rébellion contre Maximilien, traita avec le roi des Romains, à Francfort, au mois de juillet 1489. Par l’une des stipulations convenues entre eux, Charles s’obligea à faire en sorte que les ministres et serviteurs de Maximilien détenus à Gand fussent « délivrés à pur et a plein, quittes de toutes compositions et dépens. » Cet engagement les ambassadeurs du pays de Flandre le ratifièrent dans le traité que, sous la médiation du roi de France, ils conclurent aux Montilz-lez-Tours, le 30 octobre de la même année, avec Maximilien et Philippe. Carondelct seulement alors put sortir de prison et reprendre l’exercice de sa charge. En exécution du traité d’Arras du 23 décembre 1482, Marguerite d’Autriche, sœur de Philippe, avait été, l’année suivante, conduite en France et fiancée à Charles VIII. À la fin de 1491, ce prince la renvoya aux Pays-Bas et épousa Anne de Bretagne, qui était mariée, par procuration, au roi des Romains. C’était infliger à Maximilien un double affront. Carondelet, chargé de répondre aux ambassadeurs français qui vinrent à Malines essayer de pallier ce que la conduite de leur maître avait de déloyal, laissa percer l’indignation qu’il en éprouvait dans le discours qu’il leur adressa : « Le roi de France, leur dit-il, n’a pas plus respecté son propre honneur que celui du roi des Romains et de l’archiduchesse Marguerite dans l’outrage qu’il voudrait en vain justifier. La maison d’Autriche n’oubliera jamais cette injure, et elle saisira le temps et l’occasion d’en prendre une vengeance aussi éclatante que légitime. »

Carondelet fut remplacé, dans la charge de chancelier de Bourgogne, à la fin de 1496. On ne connaît pas bien les circonstances qui amenèrent sa retraite ou sa disgrâce. Dunod rapporte que « ses ennemis déterminèrent l’archiduc Philippe à le dépouiller de sa dignité, sous prétexte que sa caducité et sa vieillesse le rendaient inhabile à en faire les fonctions[1] ». Suivant un autre écrivain, les jeunes seigneurs qui entouraient Philippe et partageaient son goût pour les plaisirs étaient gênés par la vigilance du chancelier, aussi attentif à la conduite privée de l’archiduc qu’au gouvernement de l’État ; le clergé était intéressé, de son côté, à ce qu’il fût éloigné des affaires, à cause de ses principes, qui avaient toujours été opposés aux empiétements de la

  1. Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 160..