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remonter un peu plus haut. Nous manquons de renseignement sur ses études avant son entrée à l’Université de Louvain, où il suivit, au collége des Trois-Langues[1] les leçons de latin de Cornelius Valerius et probablement celles de grec de Theodoricus Langius. Il fit ensuite son cours de droit et prit le grade de licencié. Carrion étudia aussi à Cologne et c’est pendant son séjour dans cette ville qu’un heureux hasard fit tomber dans ses mains un ancien et excellent manuscrit des Argonautiques de Valerius Flaccus. Comme la préface de son édition de ce poème nous apprend qu’il en rédigea les notes dans les loisirs que lui laissaient ses études de droit, il faudrait croire qu’il ne commença ces dernières qu’après son retour de Cologne, à moins que le commentaire n’ait été à peu près achevé avant la découverte du manuscrit.

En 1564 l’occasion s’offrit à Carrion de faire un voyage en Italie. Les préoccupations de ce voyage, qui ne paraît pas avoir eu lieu, furent, de son aveu, l’une des causes pour lesquelles sa première édition des Argonautiques fourmille d’un nombre de fautes si considérable ; aussi dès l’année suivante se crut-il obligé d’en publier une seconde. Celle-ci ne reproduit pas les notes de la première ; l’auteur se proposait de faire paraître à part, après révision, un commentaire complet, qui était déjà rédigé, mais qui n’a jamais vu le jour. L’édition de Valerius Flaccus de Carrion fait époque dans l’histoire du texte de ce poëte ; l’éditeur se vante lui-même d’avoir corrigé plus de mille passages mutilés et corrompus.

Malgré l’essai insignifiant d’Alde Manuce, il n’existait pas encore de collection de fragments de l’ouvrage perdu de Salluste, intitulé Histoires. Carrion fut le premier qui rassembla ces fragments, épars dans les divers auteurs anciens. Quelque défectueux que soit l’ordre dans lequel il les classa, cet ordre n’a pas moins été maintenu pendant plus de deux siècles par tous les éditeurs de Salluste jusqu’au président de Brosses (1777) et de nos jours encore, il a été suivi, pour la dernière fois sans doute, dans l’édition de Gerlach (Bâle, 1831).

Cette période de la plus grande activité littéraire du savant brugeois vit paraître le traité inédit de Cassiodore sur l’orthographe et l’ouvrage de critique intitulé Antiquæ lectiones. Dans ce dernier livre l’auteur exprime le regret que divers obstacles ne lui aient pas permis de mettre la dernière main à un travail sur l’ancien droit pontifical des Romains, dont il avait rassemblé depuis longtemps les matériaux.

Le désir de voir la France et de faire la connaissance personnelle des savants de ce pays l’engagèrent à se rendre à Paris vers 1579[2]. Il y reçut un excellent accueil de beaucoup d’hommes distingués, savants, jurisconsultes, poëtes, dont il cite lui-même les noms dans la dédicace de son Censorin. Il y rencontra aussi son compatriote De Busbecq ; il édita plus tard la première partie des Voyages en Orient de ce diplomate.

Son séjour en France fut marqué par la publication d’observations critiques sur les auteurs anciens et par une nouvelle édition de Censorin, de Die Natali. En s’occupant de la révision du texte de ce traité, Carrion s’aperçut le premier que les quinze derniers chapitres dans les éditions antérieures ne font pas partie de l’ouvrage et ne sont pas même de cet auteur. Depuis ce temps jusqu’aujourd’hui ce fragment est resté séparé de l’opuscule de Censorin.

Henri Estienne voulant éditer Aulu-Gelle demanda le concours de Carrion. Celui-ci promit un commentaire, mais comme huit mois après l’impression du texte, à la révision duquel il avait pris une large part, il n’avait encore fourni du manuscrit que pour sept feuilles et demie l’impression, Estienne fit paraître l’édition sans les notes de Carrion, annonçant sur le frontispice qu’elles verraient le jour plus tard. Ce commentaire resté inachevé, ne

  1. On ne comprend pas comment Carrion pu avoir Juste-Lipse pour condisciple dans ce collége, puisque celui-ci n’y arriva de Cologne qu’en l’année 1563.
  2. La fixation de l’époque de ce voyage résulte de ce qu’en a écrit Carrion lui-même. Ses autres biographes, qui placent ce voyage quelques années plus tôt, sont obligés d’en admettre un second.