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tice prononça à cette occasion son panégyrique.

J.-J. de Smet.

Acta S. S. ad diem 2 martii. Excol. carn. — Wegener, Om Karl Danske, etc.

CHARLES surnommé LE TÉMÉRAIRE, duc de Bourgogne, né à Dijon, le 10 novembre 1433, était issu du mariage de Philippe le Bon avec Isabelle de Portugal, fille du roi Jean et de Philippine de Lancastre. Isabelle, dont les deux premiers enfants étaient morts au berceau, voulut, contre l’usage, allaiter elle-même celui qu’elle croyait destiné à perpétuer la maison de Bourgogne. Le jour de son baptême, il fut investi de l’ordre de la Toison d’or et du comté de Charolais, arrière-fief de Bourgogne, acheté par Philippe le Bon. Charles n’avait pas encore accompli sa deuxième année lorsque sa mère partit avec lui pour les Pays-Bas, où s’écoula son enfance. Confié aux soins du seigneur d’Auxy, ce précepteur s’efforça de tempérer la violence naturelle du jeune prince, cette impatience, cette impétuosité qui devait un jour être funeste à l’héritier de tant et de si florissantes provinces. Au surplus, le jeune comte de Charolais, d’après le témoignage d’Olivier de la Marche, « apprenait mieux qu’autre de son âge ; » non seulement il parlait bien le français et le flamand, mais il lisait couramment les auteurs latins ; il aimait aussi la musique et composa même plusieurs chants vantés par ses chroniqueurs. Il manifestait surtout une prédilection singulière pour les romans de chevalerie : les aventures et les exploits des anciens preux éveillaient chez lui une noble émulation et convenaient à son ardente nature. De bonne heure, enfin, il se montra, pour employer des expressions contemporaines, puissant jouteur, puissant archer et puissant joueur de barres ; il aimait passionnément la chasse et se plaisait à combattre le sanglier. Quand il eut atteint sa dix-huitième année, il jouta en public avec le célèbre Jacques de Lalaing. En 1452, il fut atteint d’un coup de pique, dans la bataille livrée près de Gavre, au moment où il accourait au secours de son père. On rapporte que cette lutte contre la puissante commune de Gand donna un nouveau cours à ses idées : il délaissa les romans de chevalerie pour les histoires de Rome.

Par une des clauses du traité d’Arras qui, en 1435, termina la longue et terrible lutte de la Bourgogne et de la France, le comte de Charolais avait été fiancé à Catherine, fille de Charles VII. Cette princesse étant morte avant que le mariage pût être consommé, Philippe le Bon choisit pour son fils une autre princesse française : Isabelle, fille de Charles, duc de Bourbon. Le comte de Charolais, influencé par sa mère, eut préféré la fille du duc d’Yorck. Mais Philippe s’opposa avec violence à un mariage anglais : « Si je savois, dit-il à son fils, que tu fisses ce mariage, je te bouterois hors de mes pays, et tu ne jouirois jamais des seigneuries que je possède. » Charles se soumit ; il épousa Isabelle de Bourbon (1454) et s’attacha fortement à sa femme : pendant les onze années que dura leur union, jamais, dit un chroniqueur, il ne la rompit. Appelé à Ratisbonne, où il voulait conférer avec l’empereur Frédéric et les princes de l’Empire, Philippe le Bon nomma le comte de Charolais son lieutenant général dans ses États de Flandre. Investi du gouvernement (1454-1455), Charles montra dès lors cette fermeté, cette rigidité et cette volonté despotique qui devaient caractériser son règne.

En 1456, le dauphin de France, brouillé avec son père, vint chercher un asile à la cour de Bourgogne. Le comte de Charolais lui témoigna les plus grands égards ; même il le sollicita d’être le parrain de son premier enfant : le dauphin lui donna le nom de Marie. Mais tout changea lorsque le comte s’aperçut que le dauphin cherchait à s’attacher les seigneurs de Croy, favoris du duc et antagonistes avoués de son héritier. Il conçut des soupçons sur la loyauté de son hôte, et son mécontentement fit éclater une scène violente. Philippe exigeant de son héritier qu’il prît pour troisième chambellan le site de Sempy, fils de Jean de Croy, gouverneur du Luxembourg, le comte de Charolais s’emporta. « Je ne me laisserai pas, dit-il à son père, gou-