Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/286

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stitués en junte, donnant à celle-ci le nom de germania[1], qui fut bientôt adopté dans les autres villes. Nous n’avons pas ici à tracer le tableau des atrocitésb que commirent les agermanados et des représailles auxquelles les nobles se livrèrent de leur côté, car ces derniers étaient sans pitié pour ceux de leurs ennemis qui tombaient entre leurs mains. Plus d’un combat meurtrier signala cette guerre fratricide, qui, au rapport d’un historien national, ne fit pas moins de quatorze mille victimes, jjorsque l’empereur débarqua à Santander, déjà l’autorité des lois était rétablie dans la plus grande partie du royaume, grâce aux secours que, après la victoire de Villalar, le vice-roi D. Diego de Mendoza avait reçus des gouverneurs de la Castille; la fin de la sédition suivit de près son arrivée. L’île de Majorque, qui avait suivi l’exemple de Valence, ne tarda pas aussi à rentrer dans le devoir. A partir de cette époque, et pendant tout le règne de Charles-Quint, on peut dire que l’Espagne fut un des pays les plus paisibles de l’Europe : dans la relation dont il donna lecture au sénat de Venise, en 1525, l’ambassadeur Gaspare Contarini faisait la remarque que jamais roi de Castille n’avait joui de plus d’autorité que l’empereur Charles[2].

Au commencement de 1523, des avis certains parvinrent à la cour impériale que François Ier faisait des préparatifs de guerre considérables, dans le dessein de passer les Alpes en personne et de reconquérir le duché de Milan : Charles-Quint, afin de l’en divertir, résolut de pénétrer lui-même en France par la Navarre. Le 26 août il quitta Valladolid, se dirigeant vers Pampelune, où il arriva le 12 octobre; il avait réuni une armée nombreuse, bien pourvue d’artillerie et de munitions : il dut cependant renoncer à son entreprise, l’argent lui faisant défaut, la peste s’étant mise parmi ses troupes, et Bayonne, que ses généraux avaient assiégée, ayant résisté à toutes leurs attaques. Le 2 janvier 1524, il retourna en Castille, laissant l’armée, dont il avait licencié une partie, aux ordres du connétable don Iñigo Fenandez de Velasco, qui se contenta de reprendre Fontarabie, occupée par les Français depuis plusieurs années.

François Ier avait abandonné le projet de conduire en personne les troupes qu’il faisait descendre en Italie; mais c’était moins l’expédition de l’empereur que la trahison du connétable de Bourbon, qui l’y avait déterminé : ce prince, en effet, pour se venger des injures qu’il prétendait avoir reçues du roi et de la duchesse d’Angoulême, sa mère, venait de traiter avec les ennemis de la France. L’amiral Bonivet, investi du commandement en chef de l’armée d’Italie, fut loin de justifier cette marque de la confiance de son souverain : battu par les chefs des troupes impériales, il se vit obligé de repasser les Alpes (avril 1524) : Bourbon et le marquis de Pescaire, voulant profiter de leurs avantages, envahirent alors la Provence; après avoir soumis une partie du pays, ils échouèrent devant Marseille : à leur tour ils furent réduits à battre précipitamment en retraite (28 septembre). Animé par ce succès, et ayant rassemblé des forces imposantes, François, à qui la perte du Milanais causait une humiliation profonde, reprit son premier dessein : au mois d’octobre, il franchit le Mont-Cenis; le 26 il entra dans Milan sans coup férir.

Tandis que ces événements se passaient, Charles-Quint était à Valladolid, en proie à une fièvre opiniâtre. Ses médecins, n’en pouvant triompher, lui donnèrent le conseil d’aller respirer l’air pur et vif de Madrid. Il y arriva le 21 novembre. Les nouvelles qu’il recevait coup sur coup d’Italie remplissaient son esprit de trouble et d’inquiétude. Entraînés par la supériorité qui semblait acquise aux armes de la France, les princes et les États de la péninsule se prononçaient successivement contre lui; ses alliés mêmes l’abandonnaient l’un après l’autre. Le pape avait déjà traité avec Fran-

  1. Association, confrérie, du mot limousin germá.
  2. « .....Questo si può dire, che il presente imperator Carlo V abbia maggiore autorità che re qual mai fosse in Castiglia..... » (Relazioni degli ambasciatori Veneti al Senato, sér. I, vol. II, p. 47.)