Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/288

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remède qui le puisse soulager. À l’instant même il monte à cheval et court, à bride abattue, jusqu’à Madrid ; en moins de deux heures, il franchit une distance égale à neuf de nos lieues ; il met pied à terre au palais et se fait annoncer au roi. François, dès qu’il aperçoit l’empereur, lui tend les bras ; Charles s’y précipite avec effusion : « Empereur, mon seigneur, lui dit François, vous voyez ici votre serviteur et votre esclave. » — « Non, répond Charles, je ne vois en vous que quelqu’un de libre et mon bon frère et véritable ami » François repart : « Je ne suis que votre esclave. » Charles répète à son tour qu’il est libre et son bon frère et ami. « Ce qui importe le plus, ajoute-t-il, c’est votre santé ; ne pensez pas à autre chose. » Le lendemain il lui fait une seconde visite, qui se passe comme la première. Pendant qu’ils devisaient ensemble, on vient l’avertir que la duchesse d’Alençon entrait à l’alcazar ; il va au-devant de Marguerite d’Angoulème, l’accueille de la manière la plus courtoise, et, lui offrant la main, la conduit lui-même à la chambre de son frère ; comme elle pleurait, il s’efforce de la consoler par toute sorte de paroles affectueuses et encourageantes. Il prend alors congé d’elle et du roi, et retourne à Tolède.

Ce n’était pas seulement le désir de voir un frère chéri qui avait conduit Marguerite d’Angoulême en Espagne, c’était aussi l’espoir qu’elle réussirait, mieux que les ambassadeurs envoyés par la régente de France, à obtenir de l’empereur des conditions auxquelles le roi pût souscrire. Elle va trouver Charles à Tolède, emploie auprès de lui toutes les séductions de son esprit et de sa grâce : mais, n’étant pas autorisée à lui offrir la restitution du duché de Bourgogne, elle le trouve sourd à ses propositions. Elle repart pour la France, piquée d’avoir eu si peu de succès dans son entreprise. Un mois après qu’elle a quitté Tolède, le connétable de Bourbon y arrive ; Charles va à sa rencontre et lui donne des marques de la plus haute distinction. Bourbon lui ayant dit qu’il ne regrette pas d’avoir perdu son État pour le servir, il lui répond : « Duc, votre État n’est point perdu et ne le sera pas ; vous le recouvrerez ; c’est moi qui vous le donnerai, et un autre bien plus considérable. Je sais que tout ce que vous dites est la vérité ; le temps et les faits vous montreront la volonté que j’ai de coutribuer à votre grandeur. En vous voyant, j’ai vu l’homme du monde que j’ai le plus désiré de connaître personnellement, car vos actions je les connais très-bien. »

Sur ces entrefaites, un nouvel envoyé français, l’évêque de Tarbes, avait cherché sans succès à renouer les négociations : la restitution préalable du duché de Bourgogne, à laquelle le roi ne voulait pas consentir, était toujours la grande difficulté. François Ier, dont l’impatience de sortir de captivité était extrême, a recours à différentes feintes pour déterminer l’empereur à se désister de ses prétentions ; en même temps il concerte avec quelques serviteurs affidés les moyens de s’évader : il gagne des soldats italiens de la garde du palais ; il suborne un esclave noir qui était chargé d’allumer et d’entretenir le feu dans sa chambre. Toutes ces tentatives ayant échoué, il autorise les plénipotentiaires français à stipuler la restitution de la Bourgogne, après qu’il aura été mis en liberté, et à offrir en otage, comme garantie de l’exécution de l’engagement qu’il prendra, le dauphin et l’un de ses frères. Dans le conseil de l’empereur les avis sont partagés sur cet arrangement ; le grand chancelier Gattinara s’y montre absolument opposé : Charles, adoptant l’opinion de Lannoy, du comte de Nassau, du seigneur du Rœulx, se détermine à l’accepter. L’acquisition du duché de Bourgogne n’était pas le seul avantage qu’il dût retirer du traité négocié par ses plénipotentiaires[1] ; d’autres stipulations d’une grande importance y étaient contenues. Le roi de France renonçait à toutes ses prétentions sur le royaume de Naples, le duché de Milan, les seigneu-

  1. Charles de Lannoy, don Ugo de Moncada et le secrétaire d’État Jean Lallemand ; ceux de François Ier étaient François de Tournon, archevêque d’Embrun. Jean de Selve, premier président du parlement de Paris, et Philippe Chabot, baron de Brion.