Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/290

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en elle par les qualités de l’esprit et du cœur ; née en 1503, elle avait à peu près le même âge que son époux ; enfin elle lui apportait en dot neuf cent mille ducats, somme des plus considérables pour ce temps-là.

Charles-Quint se livrait tout entier au bonheur que lui faisait goûter cette union, quand de fâcheuses nouvelles lui vinrent à la fois de France et d’Italie. Son ambassadeur en France, le seigneur de Praet, lui mandait que le roi, arrivé à Bayonne, avait pris des prétextes pour différer la ratification du traité de Madrid ; qu’à Mont-de-Marsau, à Bordeaux, à Cognac, où il l’avait suivi, il n’avait pu en obtenir autre chose que des paroles vagues ou des raisons spécieuses. En même temps Charles apprenait, par les dépêches de ses ministres en Italie, les intrigues que le pape nouait pour former une ligue contre lui. Quoiqu’il comprit dès lors qu’il avait été joué par le roi de France, il donna l’ordre à Lannoy de l’aller trouver, comme celui qui, ayant reçu sa foi, était, plus que personne, autorisé à lui rappeler le devoir que lui dictait cet engagement d’honneur, Lannoy ne réussit pas mieux que de Praet auprès de François Ier. Après bien des feintes et des subterfuges de ce monarque et de ses ministres, le 22 juin, à Angoulême, dans une assemblée solennelle du conseil, le chancelier de France déclara nettement aux deux envoyés de l’empereur que son gouvernement tenait le traité de Madrid pour nul et non avenu : le pape venait de délier François Ier du serment qu’il avait fait d’en accomplir les stipulations.

Déjà, un mois auparavant, à Cognac, un traité avait été conclu entre Clément VII, le roi de France, la république de Venise, les Florentins et le duc de Milan, par lequel ils s’obligeaient à mettre sur pied une armée de 30,000 hommes d’infanterie, 2,500 hommes d’armes et 3,000 chevau-légers, pour contraindre l’empereur, au cas qu’il ne voulût le faire de bonne grâce, à restituer, moyennant une honnête rançon, le dauphin et le duc d’Orléans qui avaient été délivrés au vice-roi de Naples, sur la Bidassoa, au moment où il remettait leur père au seigneur de Lautrec ; à laisser le duché de Milan au duc Sforza, et à rétablir les choses, dans les autres parties de l’Italie, en l’état où elles étaient avant la dernière guerre : les confédérés s’engageaient aussi à attaquer le royaume de Naples, dont le pape aurait disposé à sa volonté après qu’il aurait été conquis. Henri VIII était prié d’accepter le titre de protecteur et conservateur de cette sainte ligne (ce fut le nom que les confédérés lui donnèrent); pour l’y déterminer, ils offraient à ce prince un État dans le royaume de Naples de 30,000 ducats de revenu ; ils n’oubliaient point le cardinal Wolsey, qui devait en recevoir un d’une valeur de 10,000 ducats par année.

Charles s’était rendu de Séville à Grenade. Dans les premiers jours de septembre, les ambassadeurs de France, de Rome et de Venise, lui ayant fait demander audience, tentèrent de le persuader d’accéder au traité de Cognac ; ils lui représentèrent qu’il n’était pas au pouvoir du roi François Ier d’aliéner le duché de Bourgogne ; ils l’engagèrent à remettre le duché de Milan à Francesco Sforza, à rappeler les Espagnols qui étaient en Lombardie, à renoncer au royaume de Naples, ne lui laissant pas ignorer que, s’il se refusait à ces demandes, ainsi qu’à la restitution du dauphin et du duc d’Orléans, ils s’étaient confédérés pour le contraindre à y satisfaire. Charles était indigné. Se contenant toutefois, il répondit avec calme aux ambassadeurs que le roi très-chrétien agissait mal en manquant à sa parole ; que, quant à lui, il était décidé à ne pas rendre les princes qui lui avaient été délivrés en otage ; que Francesco Sforza était son vassal, et qu’il pouvait et devait le punir pour sa félonie ; qu’ayant à passer en Italie afin de s’y faire couronner, il avait besoin des Espagnols qui se trouvaient dans le Milanais ; que le royaume de Naples lui appartenait par héritage autant que par droit de conquête et en vertu de titres inattaquables. Se tournant alors vers le président de Calvymont[1], ambassadeur de France, et donnant un libre cours à ses sentiments,

  1. Il était second président du parlement de Bordeaux.