Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/309

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concile général dont il tâchera de procurer la convocation dans l’espace de six mois, ait été réuni; que la chambre impériale suspendra l’exécution des sentences rendues contre les protestants; qu’elle n’admettra contre eux aucune action nouvelle; que, de leur part, les protestants rendront obéissance à l’empereur et l’aideront de toutes leurs forces à repousser l’invasion du Turc. Cette transaction était pour les luthériens un triomphe signalé : car, selon la remarque d’un historien, jusque là ils n’avaient encore été regardés que comme une secte religieuse, et ils acquirent dès lors le rang et le crédit d’un corps politique. Charles-Quint, quelque répugnance qu’il en éprouve, prend le parti d’y souscrire et de la faire sanctionner par la diète (2 août); deux motifs le déterminent : le besoin du concours des luthériens pour résister à Soliman, et l’espoir que cette condescendance les portera à agréer l’élection du roi son frère. Les princes et les villes de la ligue de Smalkalde, voulant lui marquer leur reconnaissance, mettent en campagne des forces beaucoup plus considérables qu’ils n’étaient obligés d’en fournir; les princes catholiques de l’Empire rivalisent de zèle avec eux.

Charles avait résolu de prendre lui-même le commandement de l’armée qui allait marcher au secours de Vienne. Il avait donné l’ordre au gouvernement des Pays-Bas de lui envoyer les compagnies d’ordonnances et quelques régiments d’infanterie de ces provinces; il avait fait savoir à ses généraux en Italie qu’ils eussent à le venir joindre avec les troupes qui étaient sous leur charge; il avait levé des lansquenets en Allemagne; il avait fait appel à la vaillance et à l’ardeur pour la foi de la noblesse espagnole, et un grand nombre de ses vassaux de Castille et d’Aragon étaient accourus se ranger sous ses étendards; D. Fernando Gonzaga et le duc de Ferrare lui avaient amené de la cavalerie légère. À ces troupes Ferdinand avait joint les siennes, et le cardinal Hyppolite de Médicis, neveu du pape, un corps considérable de cavalerie hongroise qu’il avait levé au moyen de l’argent fourni par les églises et les monastères d’Italie. Tout cela, avec les contingents des princes et des états de l’Empire, formait une des plus grandes et des plus belles armées que l’Allemagne eût jamais vues : on n’y comptait pas moins de quatre-vingt-dix mille hommes d’infanterie régulière et trente mille chevaux, outre un nombre prodigieux de troupes irrégulières.

Le 2 septembre Charles, ayant clos la diète, part de Ratisbonne avec le roi son frère. En approchant de Vienne, où il arrive le 23, il apprend que l’occasion lui manquera, à son extrême regret, de se mesurer avec son adversaire : Soliman n’a pas voulu l’attendre; il est en pleine retraite. C’était la première fois que l’empereur se montrait à la tête de ses troupes : il ne s’acquit pas peu de renommée dans l’Europe entière, pour avoir fait fuir le formidable ennemi de la chrétienté, le prince dont la puissance faisait trembler tout l’Orient.

Aucun danger ne menaçait plus l’Allemagne. Charles, le 4 octobre, prend le chemin de l’Italie. Arrivé aux frontières des États vénitiens, il y trouve des ambassadeurs extraordinaires chargés de le complimenter et de l’accompagner sur tout le territoire de la république. En approchant de Mantoue, il voit venir au devant de lui les ducs de Mantoue, de Ferrare, d’Urbin; il reçoit en cette ville la visite du duc de Milan. Il désirait avoir encore avec le pape une entrevue et lui en avait fait faire la proposition. Clément VII y était peu disposé : le mécontentement qu’il avait ressenti de la sentence rendue par l’empereur en faveur du duc de Ferrare[1] n’était point calmé; il avait sur le cœur l’affront récent fait à son neveu le cardinal Hyppolite de Médicis[2];

  1. Le 21 décembre 1530, à Cologne. Cette sentence adjugeait au duc Modène et Reggio.
  2. Après la retraite de Soliman, les Italiens, au lieu de poursuivre les Ottomans, comme on le leur avait ordonné, se mutinèrent et reprirent le chemin de l’Italie, brûlant plusieurs villes et villages autrichiens qui se trouvaient sur leur passage. Sur le bruit qui courut qu’ils y avaient été incités par le cardinal de Médicis, les chefs de l’armée impériale firent arrêter celui-ci; mais on le mit en liberté bientôt après, et Charles-Quint s’excusa de cet affront fait au légat, en disant qu’il avait été fait contre sa volonté et par suite d’une erreur.