Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/326

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me contrainte et forcée, et qu’elle tenait pour nulle et de nulle valeur la commission à laquelle elle allait apposer sa signature (26 septembre 1539).

Après la nomination de nouveaux échevins et qu’ils eurent prêté serment dans la forme imposée par les métiers, les commissaires de la reine requirent ceux-ci, puisqu’il avait été satisfait à leurs demandes, de ne plus s’immiscer dans l’administration de la justice, de se retirer de leurs chambres, où ils étaient en armes depuis plusieurs semaines, et de reprendre leurs travaux habituels. Loin de déférer à cette réquisition, les métiers exigèrent qu’il fût procédé contre les échevins des parchons de 1537 par appréhension de leurs personnes, comme il l’avait été contre les échevins de la keure; ils déchirèrent qu’à l’avenir ils ne présenteraient plus de candidats au collége échevinal pour le choix de leurs doyens, mais qu’ils les choisiraient eux-mêmes. La reine avait mis quelques gens de guerre au château de Gavre appartenant à la comtesse d’Egmont; les Gantois lui écrivirent pour qu’elle les rappelât, ainsi que tous ceux qui occupaient des châteaux ou des forts au quartier de Gand; ils réclamèrent le renvoi des fugitifs de leur ville qui étaient auprès d’elle. Le ton de leurs lettres était arrogant; ils y affectaient, en parlant de l’empereur, de ne le traiter que de leur seigneur naturel, au lieu de l’appeler leur souverain seigneur, comme le faisaient les autres corps politiques des Pays-Bas. Ils proposèrent aux villes de Bruges, d’Ypres, d’Audenarde, de Courtrai, d’Alost, de Termonde, de se confédérer avec eux; ils leur demandèrent, si le gouvernement leur envoyait des troupes, de ne pas les recevoir; ils résolurent qu’à celles qui viendraient au plat pays on se mettrait en mesure de résister par le son de la cloche; ils députèrent des commis pour prendre le commandement des forteresses de leur quartier; ils sommèrent le capitaine du château de Rupelmonde de leur en donner l’entrée; ils résolurent de munir d’artillerie les portes, tours et murailles de la ville; ils tirent faire des ponts-levis; ils commandèrent aux baillis, mayeurs, écoutètes, de clore tous les passages. Entre ces actes et une rébellion ouverte il n’y avait guère de différence[1]. Le narrateur anonyme des troubles, qui était sur les lieux, assure que les chefs du mouvement voulaient faire de Gand « une ville de commune et non subjecte à nul prince ne seigneur, comme il y en avoit plusieurs ès Allemagnes, Ytalie et ailleurs »; il ajoute que les Gantois « cuidoient qu’il n’y eût prince,

  1. Du Bellay et Paradin rapportent que les Gantois envoyèrent des députés à François Ier, pour lui offrir de mettre leur ville et toute la Flandre en son obéissance. Sandoval confirme le fait, et il ajoute que le roi transmit à l’empereur les lettres originales qui contenaient cette offre. Hâtons-nous de e dire : ce fait, qui aurait constitué une trahison envers la patrie, n’a pas été prouvé jusqu’ici, et quelque autorité qui s’attache aux récits des trois historiens cités, il est encore permis de le révoquer en doute. Que, dans l’été de 1539, les Gantois aient député des personnes à Paris, cela est certain; mais on ne sait rien de positif sur la mission de ces députes. Si nos archives renfermaient, comme avant 1794, toute la correspondance de Charles-Quint avec la reine Marie, et celle que l’un et l’autre entretenaient avec l’ambassadeur impérial en France, l’abbé de Saint-Vincent, nous y trouverions, selon toute probabilité, des renseignements complets à cet égard; mais, par malheur, nous n’en avons plus que des fragments. Dans une lettre du 23 septembre (inéd.) la reine dit à l’ambassadeur : « Pour ce que aucuns députez et solliciteurs des Gantoys se sont puis naguères trouvez à Paris, combien que l’ambassadeur du roy très-chrestien estant icy m’a diet ipie ce fust pour recouvrer aulcunes copies auctenticques, mesmes de la paix de l’an IIIIxx et deux, je vous prie avoir l’œil au guect, empescher leurs entreprinses et m’advertir de ce que en trouverez à toute la meilleure diligence que faire pourrez, ensemble des noms et surnoms desdicts députez et solliciteurs ou que par cy-après y pourront arriver, et s’ils ont obtenu lesdictes copies. » Et l’abbé de Saint-Vincent lui répond, le 1er octobre, de Compiègne, où était la cour de France : « J’ai envoyé à Paris pour sçavoir ce que les commissaires gantois dont vos lettres font mention auront pourchassé, et quels instrumens et lettrages ils pourront avoir recouverts, et aussi pour sçavoir, s il est possible, leurs noms; et de ce que j’en entendray ne fauldray advertir incontinent V. M... » Les pièces que nous possédons ne nous en apprennent, pas davantage.
        Les Gantois ne pouvaient guère ignorer les dispositions de François Ier, qui étaient loin de leur être favorables : non-seulement ce monarque disait à l’ambassadeur de l’empereur qu’ils méritaient d’être bien vivement châtiés (Lettre (ined.) de l’abbé de Saint Vincent du 28 septembre 1539), mais encore il offrait à la reine Marie, pour l’aider à dompter leur rébellion, des troupes qu’il avait sur la frontière.
        Quand Charles-Quint traversa la France, le roi et le connétable lui donnèrent le conseil de traiter Gand avec rigueur. (Ribier, t. I, p. 501.)