Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/336

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les, après avoir recueilli les opinions des membres les plus considérables de l’assemblée, remercie l’empereur, au nom des états, de l’amour qu’il porte à ses pays d’embas, le suppliant de le leur continuer, et protestant qu’ils lui seront toujours bons et loyaux sujets[1].

On remarqua que le discours impérial ne disait pas un mot de la France ni de son roi. C’est que les relations entre les deux cours, naguère si cordiales, s’étaient singulièrement refroidies : François Ier avait déclaré définitivement qu’il ne voulait entendre ni à l’un ni à l’autre des deux partis proposés par l’empereur, mais qu’il préférait laisser les choses dans l’état où elles étaient[2]; il n’aurait accepté le duché de Milan que si l’investiture lui en eût été donnée en la même forme que Louis XII l’avait reçue de l’empereur Maximilien Ier[3], et il était résolu de retenir les États du duc de Savoie[4]. Dans ces circonstances, Charles prend une détermination qui devait faire grand bruit en Europe : il investit du duché de Milan son propre fils le prince Philippe, pour l’avoir et tenir selon la nature du fief et sous la supériorité et autorité de l’Empire[5]. L’expérience avait fait reconnaître que l’organisation des conseils d’État, privé et des finances des Pays-Bas, telle qu’il l’avait réglée en 1531, laissait à désirer; il la modifie par de nouvelles instructions données à ces conseils (12 octobre). Le 27 octobre il réunit les chevaliers de la Toison d’or qui se trouvaient à Bruxelles; d’accord avec eux, il dispose, en faveur du prince d’Orange, René de Chalon, et de Maximilien d’Egmont, comte de Buren, de deux colliers que n’avaient point reçus ceux auxquels les avait destinés le dernier chapitre; il pourvoit aussi aux charges de trésorier et de roi d’armes qui étaient devenues vacantes. Une particularité curieuse est consignée dans le procès-verbal de cette réunion. L’empereur, étant à la tête de ses armées au royaume de Tunis et en Provence, avait porté, pour sa commodité, au lieu du collier prescrit par les statuts de l’ordre, un petit collier en forme de carcan : s’étant assuré qu’il ne pouvait le faire, il s’en excusa et promit qu’il ne le ferait plus. Le 29 octobre Charles se remet en route, en compagnie de la reine sa sœur; il avait fait, la veille, un second codicille où, entre autres points, il énonçait ses intentions relativement aux Pays-Bas, et c’était que son fils pût les retenir ou en disposer en contemplation du mariage de l’une ou de l’autre des infantes ses sœurs, en ayant égard et à la situation et à la qualité de ces pays, selon qu’ils importaient « et que méritait leur grande loyauté et fidélité[6]. » Il visite successivement les parties de la Flandre et les autres provinces des Pays-Bas qu’il n’avait pas comprises dans sa première tournée : la châtellenie de Lille, Douai et Orchies, le Tournaisis, l’Artois, le Hainaut, le Namurois, le Luxembourg. Dans le cours de ce voyage, il rend plusieurs ordonnances importantes, entre lesquelles nous mentionnerons celle du 7 décembre ayant pour objet d’abrévier les procès de matières réelles, personnelles et mixtes qui étaient mus devant le siége de la gouvernance de Lille, et celle du 26 décembre sur l’amirauté. Le 8 janvier 1541, à Luxembourg, il se sépare de la reine, prenant le chemin de Ratisbonne, où il arrive le 23 février. C’était là qu’il avait convoqué la diète générale de l’Empire.

L’assemblée qui s’était tenue à Haguenau, au mois de juin de l’année précédente, n’avait pas eu de résultat, quoique

  1. Registre aux mémoires de la ville de Béthune de 1538 à 1542, fol. 30.
  2. Papiers d’Etat de Granvelle, t. II. p. 598.
  3. Par un diplôme daté du 5 avril 1505, à Haguenau.
  4. Ribier, t. I, p. 522.
  5. Diplôme du 11 octobre 1540. Dans son codicille du 28 octobre suivant, Charles justifiait cette détermination par le motif que, si le duché de Milan, qu’il n’était parvenu à remplacer sous l’autorité de l’Empire qu’au prix des plus grands sacrifices, tombait en main suspecte ou de personne qui n’eût les moyens de le garder et défendre, il en pourrait résulter un inconvénient irremédiable à la chrétienté en général, et en particulier au prince son fils, à ses royaumes, pays et sujets, ainsi qu’au roi son frère et aux siens; il prenait Dieu à témoin « que nulle convoitise ni ambition d’agrandir son fils ni sa maison au préjudice d’autrui ne lui avait fait faire ladite investiture, ains seulement le seul respect d’obvier à l’inconvénient qui autrement en pourroit advenir. »
  6. Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 599.