Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/347

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aux fêtes de l’entrée du prince, il était revenu en Castille : le 25 décembre 1542, à Alcala, il déclare le mariage de son fils avec la princesse Marie, fille du roi Jean III de Portugal, et celui de l’infante doña Juana, la plus jeune de ses deux filles, avec le prince don Juan, frère de Marie[1]. Le 15 janvier, à Madrid, il fait signifier à tous les gentilshommes de sa maison qu’ils aient à se trouver à Barcelone pour la fin de mars, complètement équipés et armés[2]. Il mande au prince Doria de faire ses dispositions afin d’y arriver dans le même temps avec ses galères. Il ordonne que dans les ports d’Espagne on apprête les bâtiments de transport dont il aura besoin pour son voyage. Il prend toutes les mesures qu’exige la sûreté des places frontières du côté de la France[3]. Comme il faut beaucoup d’argent pour l’entreprise qu’il va mettre à exécution, il emprunte une grosse somme au roi de Portugal[4]. Le 1er mars 1543, après avoir commis le gouvernement de la monarchie espagnole au prince Philippe, avec l’assistance du cardinal Tavera et du grand commandeur Covos, nommé le duc d’Albe capitaine général de ses royaumes de Castille et d’Aragon, donné des instructions précises à tous ses conseils, il quitte Madrid. Le 11 avril il arrive à Barcelone, où Doria lui amène quarante-quatre galères, précédant les galères de Naples qui devaient aussi faire partie de la flotte. Il s’embarque le 1er mai[5] et va prendre terre à Palamos d’abord, à Rosas ensuite, attendant, pour mettre à la voile, un vent favorable et le rassemblement de toute son armée navale. C’est à Palamos, où il s’arrête dix jours, qu’il dicte pour son fils des instructions, monuments de sagesse, de prévoyance, d’une expérience consommée dans l’art de gouverner, d’une connaissance profonde des hommes et des choses, qui seuls suffiraient pour placer Charles-Quint au premier rang des politiques de son siècle[6]. Le 17 mai il se rembarque : la flotte, composée de cent cinquante voiles, dont cinquante-sept galères, portant huit mille hommes de vieille infanterie espagnole et sept cents chevaux, lève l’ancre bientôt après[7]. Charles aborde à Gênes le 25; il reçoit en cette ville la visite de Pierre-Louis Farnèse, duc de Castro, fils du pape, de Côme de Médicis, duc de Florence, du duc de Savoie, du prince de Piémont, du marquis del Vasto. Le 6 juin il arrive à Pavie, où l’attendait avec impatience sa fille naturelle, Marguerite d’Autriche, duchesse de Camerino, qu’il n’avait pas vue depuis qu’en 1536 il l’avait mariée à Alexandre de Médicis, et où vient le rejoindre le seigneur de Granvelle, qu’il avait envoyé à la diète de Nuremberg. Le duc de Florence avait suivi l’empereur à Pavie ; il en obtient, moyennant cent cinquanten mille ducats, la remise des forteresses de Florence et de Livourne que les troupes

  1. Journal de Vandenesse.
  2. Journal de Vandenesse.
  3. Lettre de Charles au roi Ferdinand, du 23 janvier 1543.
  4. Sandoval et, d’après lui, M. Lafuente rapportent que les cortès de Castille lui accordèrent quatre cent mille ducats à titre de service ordinaire et extraordinaire : mais ils n’indiquent ni où ni quand ces prétendues cortès se réunirent. Vandenesse, qui dans son Journal consigne avec soin tous les faits de ce genre, ne dit pas un mot d’une telle assemblée.
  5. Nous donnons des dates précises d’après le Journal de Vandenesse. Les historiens espagnols sont sur ce point assez peu exacts.
  6. Ces instructions ont été publiées, une première fois, dans El Semanario erudito, collection de documents, en trente et quelques volumes, qui parut à Madrid vers la fin du siècle dernier. Elles l’ont été, une seconde fois, d’une façon malheureusement peu correcte, par le docteur Lanz, d’après un manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles, dans le volume intitulé Staatspapiere zur Geschichte des Kaisers Karl V, Stuttgart, 1845, in 8°, pp. 359-379.
        Elles sont au nombre de deux, l’une et l’autre en espagnol : la première, ostensible, est datée du 4 mai ; la seconde, secrète, est datée du 6. Charles-Quint recommandait à son fils de ne laisser voir celle-ci à personne, pas même à sa femme.
        Une recommandation particulière était contenue dans l’instruction du 4 mai : c’était celle d’avoir grand soin du service et du bon traitement de la reine doña Juana : « Que tengays cuydado del servicio y buen tratamiento de la reyna mi señora… » Si nous en faisons la remarque, c’est que, dans ces derniers temps, on a essayé de faire croire que Charles n’avait ni respect ni attentions pour sa mère.
  7. Journal de Vandenesse. — Sandoval, liv. XXV, § XXVI. — Lafuente, t, XII, p. 213.