Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/354

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vement pour aller chercher les Français, qui s’étaient avancés jusqu’à Cateau-Cambrésis. La bataille semblait inévitable ; François Ier faisait publier partout qu’il la recherchait, et l’on croyait d’autant plus à ses déclarations que, selon le témoignage de l’ambassadeur de Venise qui était au camp de l’empereur, il avait cinquante mille hommes d’infanterie et dix mille hommes de cavalerie, tandis que l’armée impériale ne comptait que trente à trente-cinq mille gens de pied et cinq à six mille chevaux. L’anxiété était grande dans les Pays-Bas aussi bien qu’en France, car le conflit auquel on s’attendait pouvait avoir des suites incalculables[1]. Le 3 novembre Charles « se présente à la barbe du roi de France[2] ; » mais c’est en vain : les Français s’enferment dans leurs retranchements. Le 4 il se rapproche encore de leur camp, sans qu’ils bougent. François Ier, malgré toutes ses bravades, n’avait pas envie de courir les chances d’une action générale ; dans la nuit du 4 au 5[3] il décampe sans bruit et se retire vers Guise. Avertis trop tard de cette retraite, les impériaux ne peuvent atteindre que l’arrière-garde du roi, à qui ils font essuyer quelques pertes. Charles occupe, le 5 et les jours suivants, Cateau-Cambrésis, Ligny, Crèvecœur ; le 10 il entre dans Cambrai. Il avait des griefs contre l’évêque et les habitants de cette cité impériale, qui avaient fait refus de recevoir les gens de guerre envoyés par lui lors de l’approche de l’armée française ; pour les punir, il met garnison dans la ville et ordonne qu’aux frais du pays il y soit érigé une citadelle. La campagne était finie. Elle n’avait pas eu les résultats que s’en était promis l’empereur : car, s’il pouvait se glorifier d’avoir fait reculer devant lui le roi de France, Landrecies restait au pouvoir de ses ennemis, et, dans le Luxembourg, le comte Guillaume de Furstemberg, général des troupes impériales, n’était parvenu à recouvrer aucune des places dont les Français s’étaient emparés. Charles licencie une partie de son armée et assigne des quartiers d’hiver aux troupes qu’il conserve à sa solde. Le 15 novembre il prend le chemin de Bruxelles. À Valenciennes le duc de Lorraine Antoine le Bon et son fils le duc de Bar viennent le visiter. Le duc Antoine, en protestant qu’il agit de son seul mouvement, lui offre d’aller trouver le roi pour le disposer à la paix, si lui-même y est incliné. Charles fait à ce prince l’accueil le plus distingué, mais il n’est pas dupe de son langage ; il savait que sa démarche lui avait été inspirée par les Français[4] : il lui dit que, puisque son offre procède de son seul mouvement, il n’y a pas lieu de sa part d’y répondre ; que d’ailleurs il ne pourrait traiter de la paix sans s’être mis d’accord avec ses alliés.

Le temps qu’il passe à Bruxelles est employé par Charles à l’expédition des affaires majeures de ses nombreux États et aux préparatifs de la prochaine campagne contre la France. Afin de resserrer son alliance avec Henri VIII et d’en obtenir une coopération vigoureuse, il lui envoie don Ferrante Gonzaga. Il comptait aussi sur une assistance efficace des états de l’Empire ; dans ce but il les avait convoqués à Spire pour la fin de novembre ; il croyait pouvoir s’y rendre à cette époque ; les circonstances ne le lui ayant pas permis, il avait renvoyé au mois de janvier l’ouverture de la diète. Le 23 décembre il assemble dans son palais les états généraux, ayant auprès de lui la reine sa sœur. Cette fois encore, c’est le président du conseil privé qui lui sert d’organe. Schore instruit l’assemblée du prochain départ de l’empereur pour l’Allemagne. Il exprime l’espoir que, à l’aide de Dieu, ce voyage sera utile à son saint service et au bien public de la chrétienté, particulièrement des Pays-Bas, « desquels, dit-il, et de tout ce qui les

  1. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 21-22.
  2. Journal de Vandenesse.
  3. Et non dans la nuit du 2, comme le dit Sismondi. — La reine Marie écrivit, à cette occasion, à son frère : « J’ay entendu le peu de vouloir que les ennemis ont eu de satisfaire à leurs bonnes paroles. Votre Majesté a acquis l’honneur qu’elle mérite, et eux la honte. »
  4. Granvelle écrivait, de Cambrai, le 12 novembre, à la reine Marie, que le duc, arrivé depuis quelques jours à Chimay, venait « à la grande instance des Français, et qu’il se conduisait pour plus français que chrétien. »