Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/370

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L’électeur de Saxe et le landgrave de Hesse, dans une lettre qu’ils adressèrent à l’empereur[1], se plaignirent qu’il les accusât sans qu’ils eussent été admis à se défendre, ils lui rappelèrent le serment qu’il avait prêté lors de son élection à l’Empire; ils lui dirent qu’ils remettaient leurs intérêts à Dieu dans la violence qu’il se disposait à leur faire : ils ajoutèrent que l’antéchrist romain et l’impie concile de Trente avaient pu seuls lui suggérer le dessein d’opprimer la doctrine de l’Évangile et la liberté germanique[2]. Quelques jours après[3], ils firent paraître un long manifeste où ils s’attachaient à montrer que la guerre qui allait ensanglanter l’Allemagne était entreprise pour la religion, et que le but de l’empereur, en la couvrant du prétexte de punir de prétendus rebelles, était de détacher les confédérés les uns des autres, pour les subjuguer tous plus facilement[4]. La réponse de Charles à ce manifeste ne se fit pas attendre : le 20 juillet, par un décret public, il mit au ban de l’Empire le landgrave et l’électeur, les proscrivant comme perfides, rebelles, séditieux, criminels de lèse-majesté et perturbateurs du repos public; défendant à tous et un chacun de se joindre à eux ou de leur donner aucun secours, sous peine de la vie et de confiscation des biens; enjoignant, sous les mêmes peines, à ceux qui seraient à leur service de le quitter; déliant enfin la noblesse et tous les peuples de leurs États du serment de fidélité qu’ils leur avaient fait[5]. Le jour suivant, le roi des Romains quitta Ratisbonne pour aller en Bohême se concerter avec le duc Maurice : il avait, le 3 juillet, marié l’archiduchesse Anne, sa fille aînée, au prince Albert, fils unique du duc de Bavière, et le 18 sa deuxième fille, l’archiduchesse Marie, au duc de Clèves[6]. Le 23 la diète fut close : un petit nombre de membres des états prit part au recez; les commis des princes protestants étaient partis déjà depuis plusieurs semaines. Les affaires sur lesquelles cette assemblée n’avait pas statué, furent remises à une diète qui s’assemblerait à la Chandeleur, l’année suivante.

Les protestants n’avaient pas attendu jusque-là pour commencer les hostilités[7]. Dès la fin de juin, douze mille piétons et quinze cents chevaux, avec vingt pièces d’artillerie[8], sous le commandement de Sébastien Schertlin, capitaine général d’Augsbourg, étaient sortis de cette ville et s’étaient portés sur Füssen, où le marquis de Marignan et le colonel Madrutz rassemblaient les lansquenets qu’ils étaients occupés à lever. Ils s’en emparèrent sans peine; les lansquenets opérèrent leur retraite sur Ratisbonne. Le but des protestants était d’empêcher le passage aux troupes qui venaient d’Italie; de Füssen ils se dirigèrent vers Chiusa, forteresse du Tyrol, qui leur ouvrit ses portes. Poursuivant leur marche, ils s’avancèrent jusque auprès d’Inspruck. La prise de cette capitale aurait été pour eux de la plus grande importance; elle les aurait rendus maîtres des communications du Tyrol avec la Bavière, et de la route qui d’Inspruck conduisait à Trente. Mais ceux à qui le roi Ferdinand en avait confié la garde prirent des mesures de défense si promptes et si vigoureuses que Schertlin perdit l’espoir de réussir dans son entreprise. Après avoir mis garnison dans Füssen et Chiusa, il retourna sur ses pas et alla s’établir à Donauwerth, où, peu de temps après, le duc de Saxe, le landgrave de Hesse, le duc de Wurtemberg vinrent le joindre avec les troupes qu’ils avaient réunies. L’armée de la ligue de Smalkalde était forte alors de cinquante-cinq à soixante mille hommes d’infanterie et de six à sept mille chevaux, avec cent dix pièces de canon[9]. Outre les princes

  1. Le 4 juillet.
  2. Sleidan, t. II, p. 332.
  3. Le 15 juillet.
  4. Sleidan, t. II, p. 333.
  5. Sleidan, t. II. p. 341. — Schmidt, t. VII, p. 248. — Le P. Barre, t. VIII, p. 665.
  6. Journal de Vandenesse.
  7. Le récit que nous donnons de la guerre d’Allemagne est emprunté principalement au Comentario de D. Luis de Avila y Çùniga, imprimé à Anvers en 1549 (83 ff. pet. in-8o); à la Relation d’Alvise Mocenigo, déjà citée : Mocenigo la raconte jour par jour; il était à la suite de l’empereur; enfin aux Commentaires de Charles-Quint.
  8. Mocenigo. — Selon d’Avila, les protestants avaient 14,000 piétons et 1,000 chevaux avec 28 pièces d’artillerie.
  9. Ce sont les chiffres que donne Mocenigo. — Selon d’Avila, les protestants avaient soixante-dix à quatre-vingt mille piétons, neuf à dix mille chevaux et cent trente pièces d’artillerie. — Mocenigo fait cette observation que, pendant la guerre, on disait l’armée de la ligue plus forte qu’elle ne l’était réellement.