Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/377

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importante, comme il le fit en effet. De Rottenbourg Charles, dont l’armée se trouvait réduite à douze mille hommes d’infanterie et deux mille chevaux[1], se rendit à Hall en Souabe, qui lui avait envoyé sa soumission. Là l’électeur palatin vint le trouver. Le landgrave et le duc de Saxe avaient prié le comte Frédéric de s’interposer pour que l’empereur consentît à traiter avec toute la ligue de Smalkalde ; mais ce prince eut assez de peine à obtenir un accord pour lui-même, et il y aurait réussi difficilement, si par le passé il n’eût rendu beaucoup de services à l’empereur, s’il n’avait été autant aimé de lui, et s’il n’avait eu pour femme une de ses nièces[2]. Charles, qui avait la goutte aux pieds depuis plusieurs jours, le reçut assis dans un fauteuil ; à ses excuses, à l’expression de son repentir, il répondit : « Mon cousin, il m’a déplu extrêmement qu’ayant été nourri en ma maison, vous ayez, sur la fin de vos jours, fait contre moi, qui suis de votre sang, la démonstration que vous avez faite, en envoyant des secours à mes ennemis : mais ayant égard à ce que nous avons été si longtemps élevés ensemble et à votre repentir ; espérant qu’à l’avenir vous me servirez comme vous le devez et vous conduirez tout autrement que vous ne l’avez fait jusqu’ici, je suis content de vous pardonner et de mettre en oubli le passé, me confiant que par de nouveaux mérites vous vous rendrez digne de la grâce que je vous fais en vous rendant mon amitié. » L’électeur s’excusa de nouveau, les larmes aux yeux ; son humilité était telle qu’elle émut tous les assistants[3]. Des députés d’Ulm vinrent aussi à Hall implorer à genoux leur pardon de l’empereur, qui le leur accorda à condition qu’ils payeraient soixante-dix mille florins pour les frais de la guerre[4].

Résolu de contraindre le duc de Wurtemberg à s’humilier à son tour, Charles donna l’ordre au duc d’Albe de marcher vers le pays de ce prince avec les Espagnols, les Italiens, les lansquenets de Madrutz et de Schauwembourg, quelque cavalerie allemande et les hommes d’armes napolitains ; lui-même il se mit en route le 23 décembre, emmenant ce qui lui restait de troupes. Le lendemain il entra dans Heilbronn, cité impériale qui était de la ligue de Smalkalde. A l’approche du duc d’Albe, la plupart des villes du Wurtemberg qui n’étaient pas fortifiées lui avaient fait leur soumission : aussi, dès le 29, des ambassadeurs du duc Ulric arrivèrent à Heilbronn, chargés de négocier un accommodement. Charles y était peu disposé[5] ; il se détermina toutefois à y entendre, mû par des considérations qu’il déduit dans une lettre au roi son frère, publiée par Lanz[6]. Le traité fut signé le 3 janvier 1547 ; il portait que, l’état de la santé du duc ne lui permettant pas de venir à Heilbronn, il y enverrait des députés pour en son nom implorer la miséricorde de l’empereur, et que lui-même accomplirait ce devoir dans le terme de six semaines ; qu’il observerait les décrets impériaux concernant la chose publique de l’Allemagne ; qu’il ne donnerait de secours ni au duc de Saxe ni au landgrave, mais, au contraire, qu’il aiderait l’empereur à faire exécuter le ban décerné contre eux ; qu’il ne contracterait aucune alliance dans laquelle ne fussent compris l’empereur et le roi Ferdinand ; qu’il délivrerait à l’empereur toute l’artillerie et les munitions des confédérés qui avaient été laissées dans ses États ; qu’il lui payerait, pour les frais de la guerre, trois cent mille écus, la moitié immédiatement et l’autre moitié dans les vingt-cinq jours ; qu’en garantie de l’exécution de ses engagements, il lui remettrait trois de ses principales forteresses, Asberg, Kircheim et

  1. Mocenigo.
  2. « ….. Si crede che se per il passato non havesse fatto lungo servitio a Sua Maestà, et che da lei Sua Signoria non fusse sta tanto amata come la era, et che non havesse havuto per moglie una nipote di Cesare, difficilmente li saria sta perdonato….. » (Mocenigo.)
  3. D’Avila, Comentario, fol. 47.
  4. D’Avila. — Mocenigo. — Journal de Vandenesse.
  5. « ….. J’ay, avant que d’y condescendre, pensé et repensé là-dessus et le pesé beaucoup » écrivit Charles au roi son frère le 9 janvier 1547. (Lanz, t. II, p. 524.)
  6. Celle du 9 janvier citée à la note précédente.