Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourg, pour les garnisons d’Ulm et d’Augsbourg[1]. Le jour de son départ, le duc Ulric de Wurtemberg vint faire l’acte d’humiliation auquel l’obligeait le traité du 3 janvier : la maladie l’avait empêché jusque-là de se présenter devant l’empereur, et il était si faible encore qu’on dut le porter sur une chaise dans la salle où la cérémonie devait s’accomplir. Lorsque tout le monde y eut pris place, le chancelier du duc répéta ce qu’il avait dit en son nom deux mois auparavant; la réponse de l’empereur fut conçue aussi dans les mêmes termes que celle qu’il avait faite alors. Tant que dura la cérémonie, le chancelier et les autres gens du conseil d’Ulric de Wurtemberg se tinrent à genoux : par une faveur spéciale, que motivait son état de maladie, ce prince eut la permission de demeurer assis sur sa chaise, qu’on plaça au bas du marche-pied de l’empereur[2].

A Nördlingen, où il arriva le 5 mars, Charles fut pris de la goutte. Plusieurs de ses conseillers étaient d’avis qu’il retournât à Ulm, pour y faire la cure de décoction de china dont il s’était bien trouvé d’autres fois, et chargeât le duc d’Albe de l’expédition de Saxe; il y résistait, venant d’apprendre la défaite et la prise du marquis Albert de Brandebourg[3] par le duc Jean-Frédéric. En cette occasion son médecin, le brugeois Corneille de Baersdorp, montra qu’il était tout autant jaloux de la gloire que de la santé de son maître : interrogé par l’empereur sur ce qu’il devait faire, il lui conseilla de suivre son inspiration, qui le portait à marcher au secours du roi son frère. Baersdorp considérait judicieusement que de la présence de l’empereur pouvait dépendre l’issue de cette entreprise; il trouvait que, si elle avait le résultat qu’il y avait lieu d’en espérer, il valait mieux que l’empereur en recueillit l’honneur que ses capitaines; il n’envisageait pas d’ailleurs l’accès dont souffrait son maître comme devant faire naître des craintes sérieuses[4]. Le dévoué médecin n’eut pas à regretter le conseil qu’il avait donné : l’empereur put, le 23 mars, continuer sa route en litière[5]. Ce jour-là les bourgmestres de Strasbourg lui jurèrent obéissance au nom de la ville qu’ils gouvernaient[6], en acceptant les conditions qu’il leur avait dictées, et qui étaient moins rigoureuses que celles auxquelles d’autres cités de la Germanie avaient dû se soumettre : car il ne les obligeait point à recevoir garnison et n’exigeait d’eux que trente mille écus et douze pièces d’artillerie[7]. Il y avait quelque temps déjà que des députés de Strasbourg négociaient avec les ministres impériaux; un point avait surtout été entre eux un sujet de difficulté : les Strasbourgeois n’avaient jamais prêté serment au chef de l’Empire[8]; ils auraient voulu être dispensés de le prêter à l’empereur régnant.

De Nördlingen Charles était venu à Nuremberg. Il y eut une rechute : ce qui ne l’empêcha pas de se mettre en marche, à la tête de ses troupes, le 29 mars, faisant le chemin, tantôt en litière, tantôt à cheval[9]. Il comptait en ce moment sous ses drapeaux son infanterie espagnole comprenant cinq mille têtes, huit à neuf mille lansquenets des régiments de Marignan et de Madrutz, et deux mille chevaux environ : quatre à cinq mille gens

  1. Commentaires de Charles-Quint, p. 178. — D’Avila.
  2. Journal de Vandenesse. — D’Avila, fol. 53 et 54
  3. Le marquis occupait, avec dix-huit cents chevaux etdix enseignes d’infanterie, Rochlitz, sur la frontière de Saxe, appartenant à une sœur du landgrave de Hesse. Cette dame lui témoignait beaucoup d’amitié, lui offrait des banquets et des bals; en même temps elle donnait avis de tous ses mouvements, du nombre et de la qualité de ses gens, au duc de Saxe, qui était à trois lieues de là avec des forces supérieures. L’un des premiers jours du mois de mars, elle pria le marquis et ses principaux officiers à un festin, où elle fit si bien qu’ils s’enivrèrent. Les Saxons, avertis, se mirent en marche avant le jour et arrivèrent à Rochlitz lorsqu’Albert était encore au lit. Il se leva précipitamment et combattit avec courage à la tête de ses troupes; mais il ne put tenir contre les assaillants. Il perdit dans cette affaire quatre à cinq cents hommes, morts ou pris; lui-même il fut fait prisonnier. Le duc Jean-Frédéric l’envoya à Gotha.
  4. Lettre de Baersdorp à la reine Marie, du 25 juillet 1547, aux archives impériales, à Vienne. — Lettre de Charles à la reine, du 20 mars, dans Lanz, t II, p. 552.
  5. Journal de Vandenesse. — Mocenigo.
  6. Journal de Vandenesse.
  7. Sleidan, t. II, p. 406.
  8. D’Avila, Comentario, fol. 55 v°.
  9. Journal de Vandenesse. — Commentaires de Charles-Quint, p. 180.