Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/404

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pour successeur Simon Renard, bourguignon comme lui.

En appelant d’Espagne le prince Philippe, l’empereur n’avait pas eu en vue seulement de lui faire connaître une partie considérable des États sur lesquels il aurait à régner un jour; deux autres objets, tous deux d’une grande importance, occupaient ses pensées : il désirait que son fils fût reçu et juré pour futur prince des Pays-Bas; il voulait, afin qu’ils demeurassent toujours réunis sous le même sceptre, y établir une pragmatique déterminant qu’en matière de succession au trône la représentation y aurait lieu uniformément en ligne directe et en ligne collatérale. Il y avait des pays, comme la Flandre, l’Artois, le Hainaut, où les coutumes n’admettaient point cette représentation; il pouvait en résulter que les dix-sept provinces vinssent à tomber en partage à des souverains différents. Pour ce double objet il fallait le consentement des mandataires de la nation. Charles, le 23 mai, le demanda aux états de Brabant, assemblés en sa présence et celle de la reine régente; il fit, le même jour, la même demande aux députés des états de Flandre qu’il avait convoqués à Bruxelles[1]. Les états des autres provinces successivement eurent à en délibérer à leur tour. Tous accédèrent, sans difficulté, aux propositions de l’empereur; les états de Brabant se prêtèrent même, pour lui complaire, à plusieurs modifications à la joyeuse entrée[2]. Charles avait cru devoir consulter, sur sa pragmatique, le grand conseil de Malines et le conseil de Brabant : ces deux cours de justice, les plus élevées des Pays-Bas, y applaudirent comme à une mesure inspirée par une haute prévoyance et dictée par l’intérêt manifeste du pays[3].

Ce fut par le Brabant, la première en rang des dix-sept provinces, que Philippe, au mois de juillet, commença la série de ses inaugurations. Après avoir été reçu à Louvain et à Bruxelles, il se rendit successivement dans la Flandre, la châtellenie de Lille, Douai et Orchies, le Tournaisis, l’Artois, le Hainaut, d’où il revint à Bruxelles pour passer à Malines et à Anvers. Les villes qu’il visita s’efforcèrent à l’envi de solenniser sa réception; mais Anvers les surpassa toutes par la magnificence que déployèrent le magistrat, les marchands étrangers et les bourgeois[4]. La reine Marie lui donna aussi des fêtes splendides dans son palais de Binche, où il s’arrêta pendant huit jours avant d’aller, se faire inaugurer à Mons[5]. Charles-Quint, dont la bonne saison avait rétabli les forces, accompagnait son fils dans cette tournée. Il ne lui avait pas été difficile de s’apercevoir de l’impression fâcheuse qu’avaient produite sur la nation l’air froid et hautain du prince et le dédain qu’il affectait pour tout ce qui n’était pas espagnol : il voulut par sa présence donner de l’élan aux démonstrations populaires.

Ce voyage le fatigua beaucoup; aussi, laissant son fils aller, en compagnie de la reine de Hongrie, accomplir son inauguration dans les provinces du Nord, il reprit le chemin de Bruxelles, pour s’y reposer et y faire la diète du bois de china[6]. Il l’avait à peine commencée que la goutte l’attaqua aux deux mains et lui occasionna une fièvre et des faibles-

  1. Analectes historiques, t. Ier, p. 261. — Archives des états de Brabant, Rootboeck, fol. 171.
  2. Rootboeck, l.c.
  3. Analectes historiques, t. Ier, pp. 265 et 267.
  4. Journal de Vandenesse. — Alex. Henne, t. VIII, pp. 377-385.
       L’ambassadeur Marillac tenait à ce que sa cour eût une médiocre opinion de la manière dont le prince Philippe était reçu dans les Pays-Bas : il mande au connétable, de Bruges, le 25 juillet 1549 : « Je ne vous escriray rien par le menu de ce qui se fait en ces entrées du prince, d’autant qu’à la vérité il n’y a chose digne d’estre scène. Il n’est question que de torches qui sont fichées par les rues sur des poteaux, ainsi que fut fait à Bruxelles. A Gand il y eust davantage des jeunes filles, jusques à huit cent ou mille, qui tenoient lesdictes torches. En ceste sorte se font lesdictes entrées, sans autre triumphe ou cérémonie. »
       Il lui écrit d’Anvers le 16 septembre : « Le prince d’Espagne fit son entrée à Anvers mercredi, 11 septembre, où la grande pluie qu’il tomba troubla tout l’appareil que les nations et habitants de la ville avoient fait : de sorte qu’il n’y eut chose qui mérite d’être rapportée, si ce n’est les théâtres et arceaux que les nations avoient construits, qui estoient excellens et de grands frais. » (Manuscrit 8626 de la Bibliothèque nationale à Paris, pp. 100 et 145.)
  5. Journal de Vandenesse.
  6. Lettre de Marillac à Henri II, du 22 septembre 1549. (Manuscrit 8626, p. 148.)