Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/406

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comme la chose à laquelle il savait que Charles attachait le plus de prix. Don Pedro de Tolède arriva à Bruxelles le 1er mars ; la veille, l’empereur avait fait partir pour Rome le grand commandeur d’Alcantara don Luis d’Avila y Zúñiga, avec la mission de présenter ses félicitations au saint-père et de lui baiser les pieds en son nom[1]. Il avait différé jusque-là de convoquer la diète de l’Empire, voulant voir auparavant quelle serait l’issue du conclave, et de quelles intentions le successeur de Paul III se montrerait animé[2] : le 13 mars il fit expédier les lettres de convocation aux électeurs, aux princes et aux états de la Germanie ; Augsbourg y était désigné pour être cette fois encore le siége de la diète, et l’ouverture en était fixée au 25 juin[3].

Charles s’était proposé de partir pour l’Allemagne à la fin d’avril ou au commencement du mois suivant[4] : il fut retenu à Bruxelles jusqu’au dernier jour de mai. Dans cet intervalle il promulgua plusieurs ordonnances qui méritent que nous en disions quelques mots ici. Malgré la rigueur des édits qu’il avait fait publier pour empêcher que les nouvelles doctrines religieuses ne se propageassent aux Pays-Bas, elles continuaient d’y avoir un grand nombre de prosélytes : voulant exterminer le fonds et racine de cette peste, il renouvela ces édits, en les rendant plus rigoureux encore, et, à cette occasion, il sanctionna un catalogue, qu’à sa demande l’université de Louvain avait dressé, des livres réprouvés et de ceux que les maîtres d’école pouvaient mettre dans les mains de leurs élèves[5]. Il décréta aussi une nouvelle instruction pour les inquisiteurs de la foi, sans cependant modifier, en des points essentiels, celle de 1546[6]. Dans le cours de son règne, il avait été fait plusieurs règlements pour mettre des bornes au luxe excessif qui s’était introduit dans les habillements des différentes classes de la population ; ils n’étaient guère observés, et le luxe, au lieu de diminuer, ne faisait que s’accroître : afin de remédier à ce désordre, il défendit l’usage de draps, de toiles et de brocards d’ôr et d’argent, même aux barons, comtes, marquis, princes et ducs ; à ceux-ci, aux chevaliers de la Toison d’or et aux principaux officiers de la cour il permit de porter des robes, manteaux, sayes et cottes de damas et de velours cramoisi, mais il l’interdit à tous autres ; il réserva les robes de velours, de satin ou de damas non cramoisi pour les conseillers du conseil privé, du grand conseil, des cours provinciales de justice, les gens des finances et des chambres des comptes, les receveurs généraux, les baillis, drossards, écoutètes, mayeurs, prévôts ; il ne voulut plus que les gentilshommes donnassent à leurs laquais des livrées de soie, ni que des sayes ou pourpoints de soie fussent portés par des artisans et des paysans[7]. On ne risquerait guère de se tromper en disant que ces dispositions ne furent pas mieux gardées que les précédentes[8]. Une autre ordonnance impériale révoqua la permission que le gouvernement des Pays-Bas avait donnée, en 1537, aux nouveaux chrétiens ou juifs convertis de Portugal de s’établir dans ces provinces, en enjoignant à tous ceux qui, depuis six ans, y étaient venus pour fuir l’inquisition portugaise, de s’en retirer dans le délai d’un mois avec leurs familles, à peine de confiscation de corps et de biens : les motifs de cette mesure furent que, bien qu’ils feignissent d’être chrétiens, la plupart de ceux qui étaient venus de Portugal « étaient juifs et marans (marranes), et

  1. Journal de Vandenesse.
  2. Lettre de Charles à Ferdinand, du 16 mars 1550, dans Lanz, t. III, p. 1.
  3. Journal de Vandenesse.
  4. Lettre citée du 16 mars.
  5. Ordonnance du 29 avril 1550. (Archives du royaume, reg. n° 57 de la chambre des comptes, fol. 55 v°.)
  6. Placards de Brabant, t. Ier, p. 41.
  7. Ordonnance du 22 mai 1550. (Archives du royaume, reg. Ordonnances et placards, 1545-1550, fol. 180.)
  8. Nous en avons un témoignage dans la relation faite au sénat de Venise, en 1557, par Frederico Badoero, qui avait résidé plusieurs années aux Pays-Bas comme ambassadeur de la république auprès de Charles Quint et de Philippe II : « Les Belges, dit ce diplomate, s’habillent beaucoup plus richement qu’aucun autre peuple de delà les monts : Vestono di gran lunga più riccamente di qualsivoglia popolo oltramontano. » (Relations des ambassadeurs vénitiens sur Charles-Quint et Philippe II, p. 81)