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vie, au service de l’empereur, comme son seigneur et père, et du prince, comme son bon seigneur et frère. Ce langage, dont il fut dressé acte[1], aurait eu de l’importance, si dans la bouche den l’archiduc il eût été spontané ; mais on a la preuve qu’il fut dicté à Maximilien par la reine de Hongrie[2].

Tous les arrangements étant terminés entre les deux branches de la maison d’Autriche, Ferdinand partit, le 10 mars, pour la Hongrie ; il fut suivi, le lendemain, par le roi de Bohême, et, quelques jours après, par ses deux autres fils, les archiducs Ferdinand et Charles. Le 7 avril la reine Marie retourna aux Pays-Bas. Philippe se mit en route le 25 mai, allant s’embarquer à Gênes, où devait le rejoindre Maximilien, qui avait à amener d’Espagne la reine sa femme[3]. Charles-Quint demeura à Augsbourg. Il y fit publier, le 13 avril, que les légats du pape étant en chemin pour venir à Trente, il requérait les protestants et tous autres de s’y trouver au jour où avait été indiquée l’ouverture du concile ; qu’ils pourraient franchement et librement y aller et demeurer, et, quand ils le voudraient, retourner chez eux ; qu’ils y seraient ouïs en leurs raisons ; que s’ils ne s’y trouvaient point et que des décrets fussent rendus en opposition à leurs doctrines, ils ne seraient pas admis à alléguer plus tard qu’on aurait refusé de les entendre ; enfin que ce que le concile déterminerait serait observé et mis à entière exécution[4].

La santé de Charles ne s’était pas améliorée pendant son séjour en Allemagne : depuis le commencement du mois d’août jusqu’à la fin de l’hiver il avait été presque constamment obligé de garder le lit ou la chambre, souffrant tantôt de flux de sang occasionnés par ses hémorrhoïdes, tantôt de la goutte, d’autres fois de l’asthme, qui était aussi une de ses maladies[5]. Il n’avait point pour cela négligé les affaires publiques ; mais il avait donné de rares audiences aux ambassadeurs, « assis en une chaise et ayant les pieds haussés et appuyés[6]. » On croyait que ces indispositions répétées lui auraient fait sentir la nécessité de mettre un frein à son intempérance, car celle-ci n’avait pas peu contribué à l’affaiblissement de sa constitution[7] ; on assurait même qu’il s’était décidé à suivre un autre régime de vie ; qu’il avait ordonné de réduire le nombre des plats à servir sur sa table ; qu’il s’abstiendrait dorénavant des mets qui lui étaient contraires[8]. Nous avons regret de le dire : le témoignage de Granvelle, mieux informé que tout autre sur ce point, ne concorde pas avec les propos qui se tenaient à Augsbourg dans le monde politique[9].

  1. Il est dans Lanz, Staatspapiere, p. 482.
  2. Une première rédaction de cet écrit, laquelle fut beaucoup modifiée, porte en tête : « Le sommaire de ce qu’il semble que le roy de Bohesme poroist dire et promestre à Sa Majesté et au prince, écrit, de la main de la royne d’Hongrie, à l’évesque d’Arras. » On lit en marge : N. B. Il fault que ledict roy de Bohesme réponde de cecy comme de son fond et selon ce le dresse. (Arch. du royaume : Collection de documents historiques, t. VIII, fol. 137.)
  3. Dépêche de Morosini et Badoer du 11 mars 1551 (Reg. cité, fol. 125.) — Journal de Vandenesse.
  4. Journal de Vandenesse.
  5. Lettres de Marillac à Henri II des 28 août, 30 septembre, 28 octobre, 4, 11 novembre 1550 et 27 janvier 1551. (Ms. cité, fol. 67 v°, 101, 120, 129, 132,208.)
    Dans un avis du 24 février 1551 (fol. 231), cet ambassadeur s’exprimait ainsi : « L’empereur, depuis le moys de juillet qu’il est arrivé en Auguste, a eu si peu de santé qu’il ne s’est guères monstré hors de son logis, et depuis la Toussaint n’a guères bougé de sa chambre, s’estant seulement laissé voir en une salle joignant à icelle les festes de Saint-André, de Noël et des Roys, et aussy quand il bailla le recez de la diette. »
  6. Lettre de Marillac du 11 novembre citée en la note précédente.
  7. « Ce grand homme, qui savait commander à ses passions, ne savait pas contenir ses appétits ; il était maître de son âme dans les diverses extrémités de la fortune, il ne l’était pas de son estomac à table. » (Charles-Quint, son abdication, etc., par M. Mignet, p. 54.)
  8. « …S..M. si ha messo in una regola di vita, la qual se osserverà si crede che si mantenerà sana.Fugge la diversità di cibi et vivande, et per quanto dicono quelli che la servono, non se li porta in tavola più di sei piatti, et si astiene di tutti quei cibi, si come di manzo et porco, che soleva mangiar molto volentieri… » (Dépêche de Morosini et Badoer du 30 décembre 1550 : Reg. cité, fol. 88 v°.)
  9. Dans une lettre du 17 novembre 1550, Granvelle, après avoir annoncé à la reine Marie qu’en ce moment-là l’empereur se portait très-bien, ajoutait : « Mais je suis en peine deveoir que souvent il excède, tenant moings de soing de la conservation de sa santé qu’il ne conviendroit. » (Arch. impér. à Vienne.)