Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/432

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pour le lieu où était l’empereur; qu’il n’était accompagné que de quarante chevaux; qu’il recevait fort mal ceux qui voulaient le dissuader de faire ce voyage, « leur disant pourquoi il ne viendrait vers son empereur, son seigneur et maître, n’ayant fait chose pour quoi il dût craindre de venir, et ayant reçu tant de bien et honneur de lui[1]. » Quelque extraordinaire qu’ait été l’aveuglement de Charles-Quint, on est porté à l’excuser lorsqu’on voit tous les artifices auxquels Maurice ne dédaigna pas de recourir.

Quelques jours a peine s’étaient écoulés que des avis certains envoyés de divers côtés à l’empereur vinrent dissiper les fatales illusions auxquelles il s’abandonnait, et ses yeux achevèrent de se dessiller à la réception d’une dépêche de la reine Marie[2] qui lui faisait passer des lettres du marquis Albert de Brandebourg interceptées par le maréchal de Gueldre. Ces lettres, auxquelles était jointe une commission pour la levée de gens de guerre qui s’obligeraient à servir le marquis et ceux de sa ligue contre tous leurs ennemis sans exception, faisaient connaître que le 27 mars était le jour fixé pour le rassemblement des forces destinées à agir en Allemagne contre l’empereur, Charles alors se réveilla de son assoupissement. Il écrivit aux villes principales et à plusieurs des princes de l’Empire, pour les détourner de prêter l’oreille aux pratiques des Français et des Allemands leurs alliés. Il envoya, dans le même but, le comte d’Eberstain à l’électeur palatin, à l’électeur de Trèves, revenu depuis peu du concile, et au duc de Wurtemberg. Il fit partir pour Trente Simon Renard, avec la mission d’informer les électeurs de Mayence et de Cologne de l’état de la Germanie et d’entendre leur avis sur les mesures qu’il convenait de prendre[3]. Il chargea le seigneur de Rye, son premier sommelier de corps, d’aller trouver le roi des Romains, afin qu’il se portât médiateur entre lui et les électeurs de Saxe et de Brandebourg; il autorisait Ferdinand à promettre à ces princes la délivrance du landgrave[4]. Le cardinal de Trente étant venu à Inspruck, il l’engagea à envoyer, comme de lui-même, au duc Maurice et au marquis Joachim le docteur Strauss, qui était un des principaux conseillers de l’électeur de Brandebourg; Strauss devait s’efforcer de persuader le duc de venir trouver l’empereur[5].

Ces mesures tardives ne purent parer aux dangers dont Charles était menacé[6]. En effet Maurice, qui avait pris le chemin d’Inspruck, comme il l’avait annoncé à l’empereur, s’arrêta tout à coup, prétextant que sa santé ébranlée souffrait de la rapidité du voyage; puis, jetant enfin le masque, il retourna vers la Thuringe, se mit à la tête des troupes que le duc Georges de Mecklembourg avait maintenues à sa solde, y joignit les Saxons qu’il avait licenciés quelques semaines auparavant, mais de façon à pouvoir les rassembler dès qu’il en aurait besoin, et avec ces forces il marcha aussitôt dans la direction de l’Allemagne méridionale. En même temps lui, le duc Jean-Albert de Mecklembourg et le landgrave Guillaume de Hesse publièrent un manifeste où ils exposaient les motifs qui leur faisaient prendre les armes; un second manifeste parut sous le nom du marquis Albert de Brandebourg, et le roi de France en publia également un. Dans ces trois écrits la conduite et les actes de Charles-Quint envers les villes et les États de l’Empire étaient vivement attaqués; Henri II rappelait l’ancienne alliance qui avait subsisté entre les nations française et germanique; il prenait le titre de protecteur des libertés de l’Allemagne. Par des marches rapides, Maurice s’avança vers le Danube; son armée se grossit, près de Schweinfurt, des

  1. Lettre de Granvelle à la reine Marie du 6 février. (Arch. imp. à Vienne.)
  2. Du 26 février 1552.
  3. Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 6 mars 1552. (Archives du royaume)
  4. Instruction du seigneur de Rye du 3 mars 1552, dans Lanz, t. III. p. 98.
  5. Lettre de Granvelle du 6 mars ci-dessus citée.
  6. C’était à bon droit que la reine Marie lui avait écrit le 5 mars : « Il vous pourroit bien chier couster de n’avoir adjousté foy aux advertances..... »