Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/465

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le 17 août, d’aller s’établir à Saint-Omer, prêt à retourner à son camp s’il survenait quelque chose qui y rendit sa présence nécessaire. Il manda à la reine Marie de venir le trouver en cette ville. Le 28 il se rendit avec elle à Béthune; après y avoir séjourné jusqu’au 14 septembre, ils partirent ensemble pour Arras. Là se vérifièrent les appréhensions de Charles-Quint; la goutte l’attaqua à l’épaule et à la main avec assez de violence[1]; il put toutefois se remettre en route dans les premiers jours d’octobre, pour retourner à Bruxelles. Il y arriva le 9 en compagnie de la reine, et alla descendre à sa petite maison du Parc[2]. Il était alors tout à fait rétabli. Le 11 il donna audience au cardinal Pole, qui, depuis son retour de France, au mois d’avril, vivait retiré à l’abbaye de Dilighem, ayant en vain sollicité, à plusieurs reprises, par l’intermédiaire de l’évêque d’Arras, la permission d’aller remplir en Angleterre la mission qu’il tenait du pape. Le nonce du saint-siége, l’archevêque de Conza, et Granvelle étaient présents à cette audience. Dans son discours Pole insista sur l’aide que le souverain pontife se promettait de l’empereur pour lever les obstacles que le rétablissement de la religion catholique pourrait rencontrer en Angleterre. Charles répondit au légat que personne n’avait plus à cœur que lui de voir l’Angleterre rendre obéissance au siége apostolique, car il savait que sans cela ce royaume serait en état de damnation[3]; qu’il y avait travaillé déjà et y travaillait encore; qu’il y était excité à la fois par son devoir et par l’amour qu’il portait aux Anglais, mais que ce fruit désiré il fallait le cueillir quand il serait mûr, sans attendre qu’il fût gâté[4]; que jusqu’à ce moment le roi et la reine ne le considéraient pas comme parvenu à maturité, à cause de l’opposition qui se rencontrait chez les possesseurs des biens ecclésiastiques vendus; que c’était là, à ses yeux, le principal obstacle, d’après l’expérience qu’il avait eue en Allemagne, car, quant à la doctrine, les détenteurs de ces biens s’en souciaient fort peu; qu’il fallait donc négocier prudemment avec les intéressés, et de façon à leur faire le moins de concessions possible, sans les réduire au désespoir. Pole s’était plaint de n’avoir pu encore, comme l’avaient fait les autres ambassadeurs, se présenter au roi et à la reine d’Angleterre : Charles lui dit qu’il avait écrit à Londres, pour être mieux informé de l’état des choses; qu’il attendait sous peu une réponse, et qu’alors il se déterminerait sur ce qui faisait l’objet des désirs du légat[5]. Plus d’un mois s’écoula encore avant qu’à la cour d’Angleterre tous les arrangements relatifs à la venue de l’envoyé du saint-siége eussent été réglés : ce fut seulement le 14 novembre que Pole quitta Bruxelles pour aller s’embarquer à Calais. En le congédiant avec les seigneurs anglais qui étaient venus le chercher par ordre du roi Philippe et de la reine Marie, l’empereur adressa à ceux-ci une exhortation en faveur de l’unité de l’Église : il le fit en des termes tels, au rapport de l’archevêque de Conza, qu’un prédicateur consommé n’aurait pas parlé avec plus d’éloquence[6].

Le duc de Savoie, qui avait pris le commandement de l’armée impériale quand Charles-Quint s’en était séparé, était entré sur le territoire français. S’avançant du côté de Montreuil d’abord, et plus tard jusqu’auprès d’Amiens, il brûla tout le plat pays qui se trouvait sur son passage, depuis la mer jusqu’à Ancre, en représaille des dévastations commises par les troupes de Henri II

  1. Dépêche de l’archevêque de Conza du 30 septembre : vol. cité, fol. 269.
  2. Dépêche du même du 13 octobre : ibid, fol. 218.
  3. « .....Che sapeva senza quella quel regno essere in stato di damnatione..... (Ibid.)
  4. .....Che nel raccogliere questo desiderato fuitto, era necessario avertire di non pigliarlo immaturo ne anchora differirlo tanto che infracidasse.... » (Ibid.)
  5. Nous avons, sur l’audience donnée par l’empereur au légat et au nonce, une lettre de Pole au pape (La Bibliothèque des princes Corsini, pp. 139-143), et une dépêche de l’archevêque de Conza au cardinal del Monte (Nunziatura di Fiandra, vol. II, fol. 218), toutes deux datées du 13 octobre 1554. C’est à la seconde que nous avons emprunté la plupart des détails qu’on vient de lire.
  6. ..... S. M. Cesa fece una essortatione tale per l’unità della Chiesa al signor Pagetto et ad altri che qualsivoglia consumato et vero predicator... (Dépêche de l’archevêque de Conza du 15 novembre : vol. cité, fol. 53.)