Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/486

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Il y eut des affaires dont Charles-Quint ne voulut pas se mêler à Yuste, et ce furent celles qui touchaient l’administration intérieure des royaumes d’Espagne. Ainsi tous les solliciteurs qui se présentèrent au monastère furent éconduits et renvoyés à la princesse gouvernante, quoiqu’il s’en trouvât, dans le nombre, qui avaient des titres particuliers à la bienveillance de l’empereur[1]. Le duc de l’Infantado, l’amirante d’Aragon, l’ayuntamiento d’Arévalo ne furent point exceptés de la règle qu’il s’était prescrite[2]. Le grand commandeur d’Avila lui-même tenta en vain de le faire agir en sa faveur dans une affaire où il avait un intérêt personnel[3]. Le comte d’Alcaudete; qui avait défendu Oran avec gloire contre les Mores, lui exprima le désir de venir lui rendre compte de certaines choses dont il avait été chargé; il lui répondit : « Lorsque nous fîmes la renonciation de nos royaumes, nous renonçâmes également à ces choses-là : puisque vous en avez fait rapport au roi et à la princesse, vous recevrez d’eux des ordres sur la conduite que vous avez à tenir[4]. » Au mois de mai 1558 mourut le prieur de Yuste : le vicaire le supplia d’écrire au général afin que les religieux pussent élire un nouveau prieur : il s’y refusa formellement, disant qu’il ne voulait intervenir en rien de ce qui concernait l’ordre[5]. Il apporta la même réserve, les mêmes scrupules dans les recommandations qu’on lui demanda auprès du roi son fils. On ne saurait s’imaginer les égards, la déférence qu’il montrait à ce fils qui lui devait tant. Il avait appris avec douleur — le fait est attesté par Quijada — que Philippe n’avait pas été présent à la bataille de Saint-Quentin : au lieu de lui en faire un reproche, il s’ingénia à l’en excuser; il alla même jusqu’à lui en faire un mérite[6].

Le jour de son entrée au monastère, Charles-Quint fit répondre au duc de Maqueda, qui sollicitait la grâce d’être admis à lui baiser la main, qu’il aurait été charmé de le voir, s’il s’était présenté au château de Jarondilla, mais que dorénavant il ne voulait plus de visite de personne[7]. Il se départit cependant de cette résolution. Sans compter le grand commandeur d’Alcantara et D. Hernando de la Cerda, qui venaient assez fréquemment à Yuste et qui, en leur qualité d’anciens et dévoués serviteurs, y étaient toujours bien accueillis, il reçut, dans sa retraite, le duc d’Arcos, les comtes d’Oropesa et d’Urueña; l’évêque de Cordoue, Léopold d’Autriche, fils naturel de l’empereur Maximilien; l’évêque d’Avila; D. Sanchez de Çardona, amiral de Valence; Juan de Vega, président du conseil de Castille[8]. Il accorda la même faveur à D. Martin de Avendaño, qui avait commandé la flotte du Pérou arrivée en Espagne en 1557; à D. Luis de Castelvi qui, venant d’Italie, avait à lui faire des communications importantes; à D. Pedro Manrique, que les cortès de Castille, assemblées à Valadolid dans l’été de 1558, après avoir voté le service ordinaire et extraordinaire, avaient résolu de députer au roi[9]. Les rapports diplomatiques entre l’Espagne et le Portugal, les négociations suivies entre les deux cours, amenèrent à Yuste de nombreux agents de l’une et de l’autre. Charles-Quint donna audience à tous ces personnages, et avec quelques-uns d’entre eux il discuta des questions importantes[10]. Il conféra à plusieurs reprises avec le sieur d’Ezcurra et Gabriel de la Cueva, fils du duc d’Albuquerque, au sujet de l’affaire grave et délicate qui se négociait avec le duc de Vendôme[11]. Au mois de septembre 1557 il eut la visite des reines douairières de France et de Hongrie; elle lui causa une joie infinie : il ne trouva pas bon pourtant que les reines logeassent au monastère, et il leur fallut s’établir au château de Jarandilla. Elles passèrent là dix semaines, du 28 septem-

  1. Retraite et mort, etc., t. II, p. LXVI.
  2. Ibid., t. I, pp. 175, 244; t. II, p. 483.
  3. Ibid., t. II, p 459.
  4. Ibid., t. II, pp. LXVI et LXVII.
  5. Ibid., t. II. p. 415.
  6. Ibid., t. I, p. 170; t. II, p. 243.
  7. Retraite et mort, etc., t. I, p. 120.
  8. Ibid., t. I, p. 164, 278, t. II. pp. 22, 223; 225, 238, 314, 385, 487.
  9. Ibid., t. I, p. 184; t. II, pp. 388 et 485.
  10. Retraite et mort, etc., passim.
  11. Ibid., t. I, p. 161; t. II, pp. 175, 303.