Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 8.djvu/16

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rendu célèbre. Cette vie était un enchantement. Les grands artistes de l’époque : Paganini.de Bériot, llalibran, Labarre le harpiste, se donnaient rendez-vous dans cette maison et y organisaient de brillants concerts. Grâce aux Godefroid, Boulogne était au rang des premierscentresartistiquesde la France. La présence de ces illustrations musicales éveilla dans l’àme de Jules une vive émulation.C’haque jour voyait éclore une inspiration nouvelle. Il écrivit pour un concours d’harmonie m morceau qui remporta la palme. Un opéra anglais lui fut proposé ; il en fit exécuter plusieurs parties dans les concerts. La fantaisie militaire composée pour l’inauguration de la statue de Napoléon fut accueillie avec beaucoup de faveur. Jlais c’est à ses mélodies qu’il dut particulièrement sa vogue del830 à 1835. Sahalor Rosa, le Lac de Génère, laVeiUe des Noces, Julie aux cluteux min, le Fils du désert et V Enlèieinent de la Sidtaiie retentissaient dans tous les salons. Ces deux dernières mélodies, restées inédit es, furent chantées à Paris devant AbdelKader et produisirent sur l’émir la plus vive impression. Pierre Hédouin, qui lui fournissait les paroles de ses mélodies, sollicita de Saint-Hilaire, auteur dramatique, un poème pour son jeune favori et l’obtint : le Diadesté (ou la Gageure arabe), opéra comique en deux actes, fut représenté en 1836, au théâtre de la Place de la Bourse. Ce fut un succès. Mais

« Le passage est bien court de la joie aux douleurs. »

Godefroid père, ayant repris la direction du théâtre de Boulogne, y retrouva la ruine, comme à Namur. Il tomba malade, et sa femme, efirayéc du désastre, fut emportée subitement à 47 ans ; il la suivit bientôt dans la tombe, et toute cette famille naguère si heureuse fut dispersée au souffle du malheur et de la mort. Le pauvre artiste, entré non sans gloire dans la carrière de compositeur,, alla rejoindre, à Paris, son frère Félix, qui continuait ses études à l’Académie de musique et possédait déjà un talent supérieur. De l’instrument sacré du roiprophète, s’échappaient sous leurs mains des torrents d’harmonie ; la harpe n’était plus la harpe : c’était un orchestre complet.

Jules Godefroid avait trouvé des combinaisons nouvelles dont Félix profita largement. Les deux frères exécutèrent ensemble, dans des concerts qui faisaient courir tout Paris, une sonate pour deux harpes composée par Jules Godefroid. C’était ravissant : la Belgique put en juger, en IS37, lors d’un voyage triomphal dont tous les amateurs de cette époque ont gardé le souvenir. Servais se lia d’une intime amitié avec Jules Godefroid, et leurs instruments s’unirent dans ces magnifiques duos composés en commun sur les Hwjnenots et sur Guillaume Tell qui excitèrent tant d’enthoiisiasrae. De Namur à Liège, et de Liège à Bruxelles ce ne fut qu’une longue ovation. Jules Godefroid ne s’était pas contenté de charmer l’oreille et d’exalter l’imagination, il avait ému les cœurs. A Huy , une aimable dilettante, qui était une femme accomplie, Mlle d’Autrebande, nièce du bourgmestre de Huy, lui donna sa main.

Avant de repartir pour Paris, il alla rendre visite à M. Fétis et l’entretint de ses projets et de ses espérances. Le savant maître lui donna pour la composition dramatique un conseil qui peut prévenir bien des mécomptes. Voici ses sages et graves paroles dictées par l’expérience : " Ne travaillez que sur des « ouvrages d’auteurs connus et qui ont • l’habitude de la disposition d’un sujet ; " car la musique en France ne peut saurer une pièce mal faite. • Le biographe des musiciens ajoute : • Mais déjà il » avait reçu le livret d’un opéra comique • en deux actes qui avait pour titre : la « C/iasse royale, et quelques morceaux • de la partition étaient composés. • Racontons brièvement ce drame, qui finit par une catastrophe : la mort de son auteur. La pièce, dont Jules Godefroid avait déjii écrit quelques morceaux, était due à Saint-Hilaire ; conçue en un acte et non en deux, comme on l’a dit, elle n’avait rien qui pût blesser le goût publie, et le compositeur bien en verve la termina au sein des joies de son heu-