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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/27

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES.

été excusables de parler d’une manière un peu libre à une femme montant seule et d’une façon qui n’est pas habituelle.

Mon cheval était si nerveux que j’évitai le centre de Truckee et me faufilai à travers une quantité de huttes de Chinois jusqu’à l’écurie, où l’on me fit voir, pour ma course au lac Donner, un prodigieux cheval rouen. Je demandai à mon propriétaire, qui prenait autant d’intérêt à mon plaisir que l’eût pu faire un Highlander de l’Ouest, s’il n’y avait point aux alentours des bandits qui pussent rendre dangereuse une promenade du soir. On racontait l’histoire d’un homme qui, deux jours auparavant, avait traversé Truckee, ayant dans un sac, derrière sa selle, un cadavre mis en morceaux, et, à tort ou à raison, on fait de cet endroit-ci le théâtre d’une foule d’histoires de brigands. Mon homme me répondit : « Il y a une mauvaise espèce de bandits, mais le plus vilain de tous ne vous touchera même pas. Les gens de l’Ouest n’admirent rien tant que le courage chez une femme. » Je fus obligée de monter sur un baril pour atteindre l’étrier, et, une fois en selle, mes pieds ne venaient qu’à la moitié des flancs du cheval. Je me faisais sur lui l’effet d’une mouche. La route traversait d’abord une vallée sans rivière, mais une certaine humidité nourrissait une herbe de marécage haute et touffue, la première herbe verte que j’aie vue en Amérique ; les pins aux troncs rouges tranchant sur ce vert étaient superbes. Je hâtai ma course et arrivai soudainement au lac Donner, qui me frappa par sa beauté. Il n’a que trois milles de long sur un et demi de large et se cache au milieu des montagnes. Il n’y