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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/60

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VOYAGE D'UNE FEMME

souffre de la maladresse de son mari. Elle parle toujours de moi, en m’appelant « cette femme ». La famille se compose d’un fils déjà grand, jeune homme mélancolique et sans énergie, qui soupire peut-être après une vie plus large ; d’une fille de seize ans, créature aigre et repoussante qui a autant de manières qu’un porc, et de trois enfants plus jeunes qui n’ont rien de l’enfance. Ces Chalmers considèrent tout ce qui est politesse et douceur d’actions ou de paroles comme « œuvres de la chair », sinon du démon. Ils font tomber toutes vos affaires sans s’excuser ou les ramasser, et quand je les remercie pour quelque chose, ils ont l’air profondément étonné. Je crois qu’ils trouvent criminel que je ne travaille pas autant qu’eux. Je voudrais leur apprendre une voie meilleure. Partout, dans l’Ouest, cette âpre avidité et l’exclusive poursuite du gain, unies à l’indifférence pour tout ce qui n’aide pas à l’acquérir, absorbent la vie et l’amour de la famille. J’écris ceci à contre-cœur, mais après une complète expérience de près de deux ans dans les États-Unis. Ces gens ne me paraissent pas avoir d’habits du dimanche, et en ont bien peu d’autres. Comme la plupart de leurs affaires, la machine à coudre est hors de service. Il n’y a qu’un peigne pour toute la famille. Mrs Chalmers est propre, ses vêtements aussi ; la nourriture l’est également, quoique très-simple. Travailler, travailler et encore travailler, voilà toute leur vie. Ils n’ont aucune générosité, et parlent de chacun avec cet air de soupçon qui n’est pas rare dans le pays de leurs ancêtres. Ils ont deux misérables chevaux, une excellente jument bronco, une mule, quatre mauvaises vaches, quatre