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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/73

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Mrs Chalmers et la mule roulèrent l’un sur l’autre, et, en se relevant, se mordirent avec férocité. Le ravin devenait un abîme sauvage, lit desséché de quelque horrible torrent. De grandes murailles le surplombaient. Il était jonché d’énormes quartiers de rocs et de grands arbres abattus ; des aiguilles de cèdre et des cactus blessaient nos pieds. Puis s’ouvrait un immense précipice ! Ce sentier avait été tracé par des ours à la recherche de cerises sauvages qui abondent.

La nuit venait. Il nous fallait gravir, au prix de violents efforts, le gouffre terrible où nous étions descendus si imprudemment. Les chevaux tombèrent plusieurs fois. Je pouvais à peine faire avancer le mien, quoique l’aidant de mon mieux : je m’étais blessée et étais toute contusionnée, égratignée, déchirée. Une épine de cactus m’était entrée dans le pied et quelque chose me blessait la nuque. La pauvre Mrs Chalmers avait beaucoup souffert, et je la plaignais, car elle ne retirait pas de ces aventures l’amusement que j’y trouvais. Cette escalade a été terrible. Une fois hors du gouffre, Chalmers était si troublé qu’il prit une mauvaise direction, et ce n’est qu’après avoir erré pendant une heure, que mes assertions opiniâtres, agissant sur son faible cerveau, le ramenèrent dans le bon chemin. J’avais envie de me fâcher contre ce hâbleur incapable, qui s’était vanté de nous conduire à Estes-Park les yeux fermés. Mais aussi, J’étais peinée pour lui, de sorte que je me suis tue, quoique étant obligée de marcher en faisant tous ces méandres pour ménager mon cheval fatigué. Enfin, lorsqu’à la nuit nous sommes arrivés à l’entrée du campement, il tombait des averses