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VOYAGE D′UNE FEMME

Dans une heure néfaste, il entendit parler du Colorado, de son « climat sans pareil, de ses ressources illimitées », etc., et, séduit non-seulement par les avantages matériels, mais encore par l’idée de pouvoir fonder ou réformer une société d’après des théories sociales et avancées qui lui sont propres, il émigra. Mrs Hughes est l’une des femmes les plus charmantes, instruites et aimables que j’aie jamais vues. Ils forment à eux deux un ménage idéal. Ils brilleraient dans toutes les sociétés, mais ils n’avaient pas la plus légère connaissance des détails domestiques et de l’agriculture. Le docteur ne savait ni seller un cheval, ni le harnacher. Sa femme ignorait si, pour faire cuire un œuf, il fallait le mettre dans l’eau froide ou dans l’eau chaude. En arrivant à Longmount, ils achetèrent cette concession, séduits plutôt par la beauté du paysage que par les avantages matériels. On les trompa pour la terre, pour les marchandises, pour les bœufs, pour tout, à la honte des colons qui semblaient les considérer comme de bonne prise. Rien ne leur a réussi, et bien qu’ils se lèvent de bonne heure et se couchent tard, c’est à peine s’ils maintiennent leur tête au-dessus de l’eau. Une jeune Suissesse, qui leur est dévouée, travaille autant qu’eux. Ils ont un seul cheval, pas de chariot, un peu de volaille, quelques vaches, mais point « d’homme à gages ». C’est la lutte la plus dure et la moins idéale que j’aie vu soutenir par des gens du monde. Ils avaient à acquérir toute leur expérience et l’ont achetée au prix de pertes et de fatigues. Je suis surprise qu’ils aient pu faire autant. Le docteur et les deux femmes ont bâti, à eux seuls, la pièce supérieure et ce qui a