Page:Blémont - Pour les inondés, 1875.djvu/11

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Tous ensemble soudain, ils se sont dressés, pâles.
Pieds nus, ils vont chercher à tâtons les flambeaux.
Ils écoutent : le vent semble apporter des râles
Et les croassements d’innombrables corbeaux.

C’est l’eau, c’est l’eau partout ! où fuir ? ô nuit perverse !
Le sol manque ; on marchait et l’on est entraîné.
La porte, la fenêtre éclatent ; l’eau renverse
La mère à moitié nue avec son nouveau-né.

Ceux-ci des escaliers ont enjambé les marches ;
Sur le toit, l’œil hagard, ils scrutent l’horizon ;
Mais le flot, charriant les madriers des arches,
Enfonce sous leurs pieds les murs de leur maison.

D’autres, pris et broyés dans la chute des poutres,
Ont des convulsions de fous ou de pendus ;
Et sans trêve sur eux le ciel crève ses outres,
Tandis que le flot lent monte à leurs bras tordus.