Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/103

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soit comme un motif sans lequel on ne le donnerait pas, pourvu qu’on ne le donne pas comme un prix égal au bénéfice. C’est là tout ce qu’on peut désirer. Et selon toutes ces maximes, vous voyez, mes Pères, que la simonie sera si rare, qu’on en aurait exempté Simon même le magicien, qui voulait acheter le Saint-Esprit, en quoi il est l’image des simoniaques qui achètent ; et Giezi, qui reçut de l’argent pour un miracle, en quoi il est la figure des simoniaques qui vendent. Car il est sans doute, que, quand Simon, dans les Actes, offrit de l’argent aux apôtres pour avoir leur puissance, il ne se servit ni des termes d’acheter, ni de vendre, ni de prix, et qu’il ne fit autre chose que d’offrir de l’argent, comme un motif pour se faire donner ce bien spirituel. Ce qui étant exempt de simonie, selon vos auteurs, il se fût bien garanti de l’anathème de saint Pierre, s’il eût été instruit de vos maximes. Et cette ignorance fit aussi grand tort à Giezi, quand il fut frappé de la lèpre par Elisée ; car, n’ayant reçu l’argent de ce prince guéri miraculeusement que comme une reconnaissance, et non pas comme un prix égal à la vertu divine qui avait opéré ce miracle, il eût obligé Elisée à le guérir, sur peine de péché mortel, puisqu’il aurait agi selon tant de docteurs graves, et qu’en pareil cas vos confesseurs sont obligés d’absoudre leurs pénitents et de les laver de la lèpre spirituelle, dont la corporelle n’est que la figure.

Tout de bon, mes Pères, il serait aisé de vous tourner là-dessus en ridicules : je ne sais pourquoi vous vous y exposez. Car je n’aurais qu’à rapporter vos autres maximes, comme celle-ci d’Escobar dans la pratique de la simonie selon la Société de Jésus, si. 40 : Est-ce simonie, lorsque deux religieux s’engagent l’un à l’autre en cette sorte : Donnez-moi votre voix pour me faire élire Provincial, et je vous donnerai la mienne pour vous faire Prieur ? Nullement. Et cet autre, n. 14 : Ce n’est pas simonie de se faire donner un bénéfice en promettant de l’argent, quand on n’a pas dessein de payer en effet ; parce que ce n’est qu’une simonie feinte, qui n’est non plus vraie que du faux or n’est pas du vrai b or. C’est par cette subtilité de conscience qu’il a trouvé le moyen, en ajoutant la fourbe à la simonie, de faire avoir des bénéfices sans argent et sans simonie. Mais je n’ai pas le loisir d’en dire davantage ; car il faut que je pense à me défendre contre votre troisième calomnie sur le sujet des banqueroutiers.

Pour celle-ci, mes Pères, il n’y a rien de plus grossier. Vous me traitez d’imposteur sur le sujet d’un sentiment de Lessius, que je n’ai point cité de moi-même, mais qui se trouve allégué par Escobar, dans un passage que j’en rapporte ; et ainsi, quand il serait vrai que Lessius ne serait pas de l’avis qu’Escobar lui attribue, qu’y a-t-il de plus injuste que de s’en prendre à moi ? Quand je cite Lessius et vos autres auteurs de moi-même, je consens d’en répondre. Mais comme Escobar a ramassé les opinions des 24 de vos Pères, je vous demande si je dois être garant d’autre chose que de ce que je cite de lui ; et s’il faut, outre cela, que je réponde des citations qu’il fait lui-même dans les passages que j’en ai pris. Cela ne serait pas raisonnable. Or, c’est de quoi il s’agit en cet endroit. J’ai rapporté dans ma Lettre ce passage d’Escobar, traduit fort fidèlement, et sur lequel aussi vous ne dites rien : Celui qui fait banqueroute peut-il en sûreté de conscience retenir de ses biens autant qu’il est nécessaire pour vivre avec honneur, ne indecore vivat ? JE REPONDS QUE OUI AVEC LESSIUS, CUM LESSIO ASSERO POSSE etc. Sur cela vous me dites que Lessius n’est pas de ce sentiment. Mais pensez un peu où vous vous engagez. Car, s’il est vrai qu’il en est, on vous appellera imposteurs, d’avoir assuré le contraire ; et s’il n’en est pas, Escobar sera l’imposteur : de sorte qu’il faut maintenant, par nécessité, que quelqu’un de la Société soit convaincu d’imposture. Voyez un peu quel scandale ! Aussi vous ne savez prévoir la suite des choses. Il vous semble qu’il n’y a qu’à dire des injures aux personnes, sans penser sur qui elles retombent. Que ne faisiez-vous