Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rabaissé et couché sur l’autel, est en même temps élevé dans sa gloire ; qu’il est, par lui-même et par sa puissance ordinaire, en divers lieux en même temps, au milieu de l’Église triomphante, et au milieu de l’Église militante et voyagère, De la suspension, rais. 21. Que les espèces sacramentales demeurent suspendues, et subsistent extraordinairement sans être appuyées d’aucun sujet ; et que le corps de Jésus-Christ est aussi suspendu sous les espèces ; qu’il ne dépend point d’elles, comme les substances dépendent des accidents, ibid., 23. Que la substance du pain se change en laissant les accidents immuables, Heures dans la prose du S. Sacrement. Que Jésus-Christ repose dans l’Eucharistie avec la même gloire qu’il a dans le Ciel, Lettres de M. de Saint-Cyran, tom. I, let. 93. Que son humanité glorieuse réside dans les tabernacles de l’Église, sous les espèces du pain qui le couvrent visiblement ; et que, sachant que nous sommes grossiers, il nous conduit ainsi à l’adoration de sa divinité présente en tous lieux par celle de son humanité présente en un lieu particulier, ibid. : Que nous recevons le corps de Jésus-Christ sur la langue, et qu’il la sanctifie par son divin attouchement, Lettre 32. Qu’il entre dans la bouche du prêtre, Lettre 72. Que, quoique Jésus-Christ se soit rendu accessible dans le Saint-Sacrement par un effet de son amour et de sa clémence, il ne laisse pas d’y conserver son inaccessibilité comme une condition inséparable de sa nature divine ; parce qu’encore que le seul corps et le seul sang y soient par la vertu des paroles, vi verborum, comme parle l’école, cela n’empêche pas que toute sa divinité, aussi bien que toute son humanité, n’y soit par une conjonction nécessaire, Défense du Chapelet du S. Sacrement, p. 217.Et enfin, que l’Eucharistie est tout ensemble Sacrement et Sacrifice, Théol. fam., leç. 15, et qu’encore que ce Sacrifice soit une commémoration de celui de la Croix, toutefois il y a cette différence, que celui de la Messe n’est offert que pour l’Église seule et pour les fidèles qui sont dans sa communion, au lieu que celui de la Croix a été offert pour tout le monde, comme l’Ecriture parle, ibid., p. 153. Cela suffit, mes Pères, pour faire voir clairement qu’il n’y eut peut-être jamais une plus grande impudence que la vôtre. Mais je veux encore vous faire prononcer cet arrêt à vous-mêmes contre vous-mêmes. Car que demandez-vous, afin d’ôter toute apparence qu’un homme soit d’intelligence avec Genève ? Si M. Arnauld, dit votre Père Meynier, p. 83, eût dit qu’en cet adorable mystère il n’y a aucune substance du pain sous les espèces, mais seulement la chair et le sang de Jésus-Christ, j’eusse avoué qu’il se serait déclaré entièrement contre Genève. Avouez-le donc, imposteurs, et faites-lui une réparation publique. Combien de fois l’avez-vous vu dans les passages que je viens de citer ? Mais, de plus, la Théologie familière de M. de Saint-Cyran étant approuvée par M. Arnauld, elle contient les sentiments de l’un et de l’autre. Lisez donc toute la Leçon 15, et surtout l’article second, et vous y trouverez les paroles que vous demandez encore plus formellement que vous-mêmes ne les exprimez. Y a-t-il du pain dans l’Hostie, et du vin dans le Calice ? Non ; car toute substance du pain et du vin sont ôtées pour faire place à celle du corps et du sang de JESUS-CHRIST, laquelle y demeure seule, couverte des qualités et des espèces du pain et du vin.

Eh bien, mes Pères ! direz-vous encore que le Port-Royal n’enseigne rien que Genève ne reçoive, et que M. Arnauld n’a rien dit, dans sa seconde Lettre, qui ne pût être dit par un ministre de Charenton ? Faites donc parler Mestrezat comme parle M. Arnauld dans cette lettre, pag. 237 et suiv. Faites-lui dire Que c’est un mensonge infâme de l’accuser de nier la transsubstantiation ; qu’il prend pour fondement de ses livres la vérité de la présence réelle du Fils de Dieu, opposée à l’hérésie des Calvinistes ; qu’il se tient heureux d’être en un lieu où l’on adore continuellement le Saint des Saints dans le Sanctuaire, ce qui est beaucoup plus contraire à la créance des Calvinistes que la présence réelle même ; puisque comme dit le