Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/237

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La garde s’avança sur le pont, et s’ouvrant tout à coup, démasqua deux pièces d’artillerie. Le bruit du tambour cessa ; sur le pavé de la rue il ne resta que les morts. La garde passa le pont, se déploya sur les quais de Gèvres et Pelletier, laissa un peloton pour garder l’entrée de la rue Planche-Mibray, et se répandit sur la place de Grève, chassant devant elle les Parisiens qui s’écoulèrent rapidement par toutes les issues de la place, tandis que les défenseurs de l’Hôtel-de-Ville s’échappaient par les portes de derrière en tirant des coups de fusil.

Le 15e léger était resté de l’autre côté du pont, et couvrait le marché aux Fleurs. Immobiles, l’arme au pied, les soldats du 15e assistaient au combat sans y prendre part. Devant eux passaient à tout moment des citoyens en armes, et l’officier se contentait de leur dire, en leur montrant de la pointe de son épée des ouvriers qu’on emportait tout sanglants : « Vous voyez !… de grâce, n’allez pas de ce côté. » Mais des tirailleurs venus du passage Dauphine et du faubourg Saint-Jacques s’entassaient peu à peu, sans que rien put les retenir, sur le quai de la Cité. La hauteur du parapet de la Seine les mettait à l’abri du feu que la garde dirigeait sur eux de la rive droite, et les balles qu’ils lançaient allaient frapper à coup sûr les soldats qui couvraient la place de Grève. Telle était, du reste, l’ardeur des hommes du peuple, que beaucoup d’entre eux s’élancèrent sur le pont suspendu qui conduit à la place, au milieu de laquelle une pièce de canon était en batterie. Plusieurs coups furent tirés à mitraille, et, plusieurs fois de suite, le pont fut horriblement balayé.