Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/245

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place de Grève au pas de charge. A l’aspect de ces uniformes rouges, la fureur des insurgés redouble de chaque ruelle s’élancent des combattants nouveaux ; une barricade est occupée par le peuple. Les Suisses soutiennent cette attaque avec vigueur, la garde arrive pour les appuyer, et déjà les Parisiens pliaient, lorsqu’un jeune homme, pour les ranimer, s’avance agitant un drapeau tricolore au bout d’une lance et criant : « Je vais vous apprendre à mourir. » A dix pas de la garde, il tomba percé de balles. Cet engagement fut terrible : les Suisses laissèrent beaucoup des leurs sur le pavé.

La guerre éclatait dans tout Paris en scènes bizarres, héroïques, lamentables. Dans la colonnade du Louvre, en face de Saint-Germain-l’Auxerrois, le marquis d’Autichamp était assis sur une chaise. Accablé d’années et pouvant à peine se soutenir, il animait les Suisses au combat par sa présence, et, les bras croisés, il contemplait ce spectacle de deuil avec une impassibilité stoïque. Sur le boulevard de l’Hôpital, une bande courait attaquer la poudrière d’Ivry, enfonçait les portes à coups de hache et de merlin, inondait la cour, et forçait les employés à lui jeter par les fenêtres des paquets de poudre, que, dans la fougue de leurs préoccupations, les insurgés recevaient la pipe à la bouche, et emportaient rapidement dans leurs bras. Sur un autre point, les détenus pour dettes, au moyen d’une poutre transformée en bélier, brisaient les portes de Sainte-Pélagie, et se joignaient ensuite au poste pour empêcher l’évasion des malfaiteurs. Une rencontre sanglante eût lieu dans la rue des Prouvaires,