Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/274

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eux se rendirent à cet appel. La proclamation dont le maréchal avait parlé était imprimée. On mit en liberté des prisonniers qu’on chargea de la répandre dans le peuple.

Les troupes royales se trouvaient alors refoulées loin des quartiers populeux, dont les innombrables barricades élevées dans la nuit leur fermaient irrévocablement l’accès. Elles n’occupaient plus que le cordon qui s’étend du Louvre aux Champs-Elysées. Des troupes de ligne stationnaient dans le jardin des Tuileries et sur la place Vendôme. La garde couvrait le Carrousel, la place Louis XV, le boulevard de la Madelaine, la cour intérieure du Palais-Royal ; plusieurs postes avaient été établis dans la rue Saint-Honoré ; deux bataillons suisses défendaient le Louvre ; et la gueule des canons était tournée, partout, du côté par où la foule pouvait venir.

Les Suisses se montraient inquiets. Un tout autre sentiment animait le reste des troupes. Épuisés par la faim, domptés par la fatigue, fils du peuple, après tout, en qui la honte de céder était combattue par l’horreur de vaincre, tous ces soldats s’affaissaient sur leurs armes, l’âme abattue, le regard fixe et morne. Ces maisons où, derrière chaque fenêtre fermée, ils devinaient un ennemi ; ces rues inondées de soleil et désertes qu’on leur avait fait sillonner et où gisaient tant de leurs camarades morts sous les balles d’assaillants invisibles ; ces hautes barricades ; ce silence ; cette vaste cité où n’étaient plus ni le tumulte ni le repos ; ces cris aigus et rares de Vive la Charte ! appel sauvage à une légalité que la