Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/295

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retentissent dans l’obscure allée ; la porte de la boutique s’ouvre. « Il est dans cette maison », disaient les visiteurs armés qui avaient envahi la salle. Et ils accompagnaient ces mots des plus horribles menaces. Blotti sous l’auvent protecteur, l’officier entendait tout ; chaque parole retentissait à son oreille comme un arrêt de mort, et il écoutait avec effroi le bruit de sa propre respiration. Mais son haleine agitait autour de lui quelques papiers d’emballage et suffisait pour le trahir. Le pied d’un homme vint s’appuyer légèrement sur son bras, il se crut perdu, il était sauvé. « Que faisons-nous ici ? cria rudement celui qui venait de le découvrir. Allons visiter la maison. » Il sortit, entraînant ses camarades, et revint un instant après chercher l’officier, qui lui dut la vie, et disparut à la faveur d’un déguisement. Le lieutenant Goyon, après s’être courageusement défendu d’étage en étage, s’était renfermé dans une chambre avec quelques-uns de ses soldats. Mort à l’officier, criait de toutes parts la foule irritée des assaillants. « Me voilà ! » répondit-il aussitôt, en ouvrant la porte. Frappé de plusieurs coups, il tombe, le visage inondé de sang ; mais deux des insurgés s’élancent vers lui, le prennent dans leurs bras, et l’emportent au péril de leur vie. Un autre officier, nommé Ferrand, eut un sort plus funeste. Ses blessures étaient mortelles : il succomba ; mais ce fut un des insurgés qui veilla sur son agonie, reçut son dernier soupir, et se chargea d’exécuter ses volontés suprêmes. L’histoire des révolutions est remplie de traits semblables. Ils prouvent que les grandes crises, en surexcitant les diverses puissances